« Encore un effort pour être républicain »

 

Paradoxalement, l’excès même de leur aveuglement va les rendre familiers de l’ombre, leur permettant de se mouvoir dans la plus ténébreuse des nuits qui paralyserait d’effroi n’importe qui d’autre. Et quand l’époque consacre la plus grande part de son énergie à chasser l’ombre des territoires qu’elle cherche à conquérir, ces explorateurs timorés commencent à reconnaître les liens profonds qui les unissent à l’obscurité.

Qui plus est, au creux de cette nuit qui à la fois les protège et les menace, ils découvrent que la lumière ne sera plus jamais la clarté qui rassure. « Le point du jour ne réalise à mes yeux que les objets de terreur et de chagrin que ma chambre me présentait » dit la jeune héroïne du Souterrain de Sophie Lee. Et du même coup, la lumière ne semble devoir surgir pour eux que comme un insupportable déchirement dont l’éventualité charge la nuit d’un nouveau danger.

De là vient surement la troublante nouveauté du très beau livre noir de Charles Brockden Brown, Edgar Huntly ou les Mémoires d’un somnambule, paru en 1799 aux États-Unis, où le thème du double se dégage d’une indétermination fondamentale sur la personne justement amenée par cette obscurité en instance de lacèrement lumineux.

Annie le Brun : Les Châteaux de la subversion

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