Source : Les Foudres de Nietzsche et
l’aveuglement des disciples, par Jacques
Bouveresse, suivi d’une postface de Jean-Jacques Rosat, éditions
Hors d’atteinte, collection Faits et idées.
D’après Louis Pinto, « l’apparition d’une version
gauchiste de Nietzsche a favorisé un renversement total des classements dans le
champ philosophique : alors que la pensée de type phénoméniste ou
« illusionniste » était longtemps apparue politiquement
conservatrice, puisqu’elle s’était assez expressément construite contre les
croyances attribuées au rationalisme « positiviste » et
« scientiste » (la vérité, la réalité, le progrès), désormais l’idée
d’une vérité plurale, relative, éclatée, était passée à gauche, rejetant à
droite le discours universaliste jugé répressif, normalisateur, uniformisant.
Ainsi, allaient se trouver systématiquement réunis, d’un côté, la science, la
répression, le dogmatisme, et, d’un autre côté, la libération, l’affect, le
perspectivisme. »
Or, le fait qu’une « vérité plurale, relative, éclatée » soit passée à un moment donné à gauche ne prouve certainement pas qu’elle soit de gauche et que Nietzsche, qui est censé la défendre, le soit par conséquent aussi ; Ce n’est pas non plus, même si cet argument d’une faiblesse insigne est parfois utilisé, parce que certains des nietzschéens français les plus fameux comme Foucault et Deleuze étaient « de gauche » que Nietzsche devait forcément l’être aussi.
S’il s’en prenait lui aussi au discours universaliste, celui qui s’exprime en termes de vérité et de valeurs universelles, ce n’était pas du tout pour des raisons comme celles invoquées par la tentative de récupération à laquelle se sont livrées certaines versions du gauchisme, mais parce qu’il estimait que les valeurs et les vérités universelles, loin d’être essentiellement des instruments dont les puissants ont besoin pour réussir à faire accepter l’ordre qu’ils cherchent à imposer et, une fois qu’ils y sont parvenus, à maintenir, sont en réalité, avant tout, des moyens que les « faibles » utilisent pour se protéger, avec les armes dont ils disposent, contre les forts.
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