Source : Vladimir Soloviev et son œuvre
messianique par Dimitri Strémoukov, éditions de L’Âge d’Homme,
collection Sophia.
Soloviev dira en 1888, en approfondissant les mêmes
idées, que deux fois l’Église a reçu un corps social : dans l’empire de
Constantin le Grand et dans celui de Charlemagne. Après ces deux incarnations
provisoires, elle attend sa troisième et dernière incarnation. Tout un monde
plein de forces et de désirs, mais sans conscience claire de sa destinée,
frappe à la porte de l’histoire universelle.
« Quelle est votre parole ?, peuples de la
parole » s’écrire Soloviev en synthétisant ainsi Mickiewicz avec
Dostoïevski. Et il répond dans un passage plein d’enthousiasme :
« Votre parole, ô peuple de la parole, c’est la théocratie libre et
universelle, la vraie solidarité de toutes les nations et de toutes les
classes, le christianisme pratiqué dans la vie publique, la politique
christianisée, c’est la liberté pour tous les opprimés, la protection pour tous
les faibles ; c’est la justice sociale et la paix chrétienne. Ouvre-leur
donc, porteur de clef du Christ, et que la porte de l’histoire soit pour eux et
pour le monde entier la porte du Royaume. »
Le rôle des Slaves, tel que Soloviev le conçoit, n’est
pas seulement un développement du noyau messianique du slavophilisme russe, il
semble encore continuer, tout au moins idéalement, le messianisme polonais, qui
s’était épanoui au début du dix-neuvième siècle sous l’influence de la
philosophie allemande et de la mystique. Au dix-neuvième siècle, Stanislas
Staszic, que l’on peut considérer comme l’un des premiers messianistes
polonais, enseignait que la Russie doit réaliser l’œuvre messianique.
Plus tard, le messianisme polonais devint russophobe, quoique l’un de ses représentants les plus brillants, Hoëné-Wronski, continue à croire que la réalisation de la religion absolue se fera par les Slaves, sous la conduite de la Russie, dont le destin est l’Union Absolue, et sous le patronage de « l’Empereur de Russie, Roi de Pologne, comme Protecteur providentiel du destin messianique des Nations Slaves. » Cependant, il est impossible d’établir si le messianisme polonais a exercé une influence plus profonde sur Soloviev.
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