Source : Vladimir Soloviev et son œuvre
messianique par Dimitri Strémoukov, éditions de L’Âge d’Homme,
collection Sophia.
Soloviev connaissait Dostoïevski depuis 1873. Vers
1877, les rapports des deux amis deviennent particulièrement intimes :
Dostoïevski fréquente les conférences du philosophe et se laisse introduire
dans le salon de la comtesse Tolstaïa. Mais le point culminant de leur amitié
est leur voyage commun à l’Optina Poustyne, où ils se rendent en juin 1878, pour
y voir le starets Ambroise, particulièrement vénéré à l’époque. Il semble que
nous avons un récit, sans doute plus ou moins fantaisiste, des conversations que
Soloviev eut avec le starets, dans le cinquième chapitre du second livre de la
première partie des Frères Karamazov.
Le grand romancier exerça-t-il une influence réelle sur
son jeune ami ? La question est extrêmement complexe. Il est évident que
les idées des Démons sur l’Homme-Dieu et sur l’église catholique ont produit une
forte impression sur Soloviev dans sa première jeunesse. On peut affirmer que
si dans les Lectures sur la divino-humanité, il y a une certaine dualité par
rapport à l’église catholique, qui tantôt est défendue par Soloviev contre les
attaques des orthodoxes, tantôt au contraire déclarée séduite par la troisième
tentation, ce dernier plan d’idées provient de Dostoïevski.
Soloviev raconte qu’un Jésuite lui aurait déclaré à
Paris que plus personne ne croyait aux dogmes chrétiens, en particulier la
divinité du Christ, mais que la société humaine civilisée ne pouvait vivre sans
autorité stable et sacerdoce bien organisé. Seule l’église catholique possède
une telle autorité et un tel sacerdoce ; il s’ensuit que tout homme
cultivé, qui chérit les intérêts de l’humanité doit être du côté de l’église
catholique.
Si l’on considère que Soloviev s’est rendu à Paris en 1876 et qu’il était déjà intimement lié avec Dostoïevski alors que ce dernier écrivait Les Frères Karamazov, on peut supposer que le « Grand Inquisiteur » a été influencé par ce récit de Soloviev.
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