Pays noir

 

Ill. : C’est pas du Stronma. Source : Les Têtes noires, in. Symboles de la Science sacrée, par René Guénon, éditions Gallimard, collection Tradition.

Les Hébreux connaissaient la division sociale en quatre quartiers ; leurs douze tribus territoriales étaient réparties en quatre groupes de trois tribus, dont une tribu principale : Juda campait à l’Est, Ruben au sud, Éphraïm à l’ouest, Dan au nord. Les Lévites formaient un cercle intérieur autour du Tabernacle et étaient aussi divisés en quatre groupes placés aux quatre points cardinaux, la branche principale étant à l’est.

« À vrai dire, il ne s’agit pas ici de l’organisation d’une cité, mais de celle d’un camp tout d’abord, et plus tard, de la répartition du territoire d’un pays tout entier ; mais, évidemment, cela ne fait aucune différence au point de vue où nous nous plaçons ici. La difficulté pour établir une comparaison exacte avec ce qui existe ailleurs, vient de ce qu’il ne semble pas que des fonctions sociales définies aient jamais été assignées à chacune des tribus, ce qui ne permet pas d’assimiler celles-ci à des castes proprement dites : cependant, sur un point tout au moins, on peut noter une similitude très nette avec la disposition adoptée dans l’Inde, car la tribu royale, qui était celle de Juda, se trouvait également placée à l’Est.

D’autre part, il y a aussi une différence remarquable : la tribu sacerdotale, celle de Lévi, qui n’était pas comptée au nombre des douze, n’avait pas de place sur les côtés du quadrilatère, et, par la suite, aucun territoire ne devait lui être assigné en propre : sa situation à l’intérieur du camp peut s’expliquer par le fait qu’elle était expressément attachée au service d’un sanctuaire unique, qui était primitivement le Tabernacle, et dont la position normale était  au centre.

Quoi qu’il en soit, ce qui importe pour nous présentement, c’est la constatation que les douze tribus étaient réparties par trois, sur les quatre côtés d’un quadrilatère, ces côtés étant situés respectivement vers les quatre points cardinaux ; et l’on sait assez généralement qu’il y avait, en fait, une correspondance symbolique entre les douze tribus d’Israël et les douze signes du Zodiaque, ce qui ne laisse aucun doute sur le caractère et la signification de la répartition dont il s’agit ; nous ajouterons seulement que la tribu principale, sur chacun des côtés, correspond manifestement à un des quatre signes « cardinaux », les deux autres correspondant aux deux signes adjacents.

Si maintenant l’on se réfère à la description apocalyptique de la « Jérusalem céleste », il est facile de voir que son plan reproduit exactement celui du camp des Hébreux dont nous venons de parler ; et, en même temps, ce plan est aussi identique à la figure hororscopique carrée qu’employaient les anciens astrologues. La ville, qui est bâtie en carré, a douze portes, sur lesquelles sont écrits les noms des douze tribus d’Israël ; et ces portes sont réparties de la même façon sur les quatre côtés : « trois portes à l’orient, trois au septentrion, trois au midi, trois à l’occident. » Il est évident que ces douze portes correspondent encore aux douze signes zodiacaux, les quatre portes principales, c’est-à-dire celles qui sont au milieu des côtés du carré, correspondant aux signes solsticiaux et équinoxiaux ; et les douze aspects du Soleil se rapportant à chacun des signes, c’est-à-dire les douze Adityas de la tradition hindoue, apparaissent sous la forme des douze fruits de « l’Arbre de vie », qui est placé au centre de la ville, « rend son fruit chaque mois », c’est-à-dire précisément suivant les positions successives du Soleil dans le Zodiaque au cours du cycle annuel.

Enfin, cette ville « descendant du ciel en terre » représente assez clairement, dans une de ses significations tout au moins, la projection de « l’archétype » céleste dans la constitution de la cité terrestre ; et nous pensons que tout ce que nous venons d’exposer montre suffisamment que cet « archétype » est symbolisé essentiellement par le zodiaque.

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