Source : Symboles de la Science sacrée, par René Guénon, éditions Gallimard, collection Tradition.
« Il avait en
sa main droite sept étoiles, et de sa bouche sortait une épée à deux tranchants
et bien affilée ; son visage était aussi brillant que le soleil dans sa
force. » « Et il sortait de sa bouche une épée tranchante des deux
côtés pour frapper les nations… »
L’épée sortant de
la bouche ne peut évidemment avoir d’autre sens [que le pouvoir de la parole]
et cela est d’autant plus que l’être qui est ainsi décrit dans ces deux
passages n’est autre que le verbe lui-même ou une de ses manifestations ;
quant au double tranchant de l’épée, il représente un double pouvoir créateur
et destructeur, et ceci nous ramène au Vajra.
Celui-ci, en effet,
symbolise aussi une force qui, bien qu’unique en son essence, se manifeste sous
deux aspects contraires en apparences, mais complémentaires en réalité ;
et ces deux aspects, de même qu’ils sont figurés par les deux tranchants de
l’épée ou d’autres armes similaires, le sont ici par les deux pointes opposées
du vajra ; ce symbolisme est d’ailleurs valable pour tout l’ensemble des
forces cosmiques, de sorte que l’application qui en est faite à la parole ne
constitue qu’un cas particulier, mais qui d’ailleurs, en raison de la
conception traditionnelle du Verbe et de tout ce qu’elle implique, peut être
pris lui-même pour symboliser dans leur ensemble toutes les autres applications
possibles.
L’épée n’est pas
seulement assimilée symboliquement à la foudre, mais aussi, de même que la
flèche, au rayon solaire c’est à quoi se
réfère visiblement le fait que, dans le premier des deux passages
apocalyptiques que nous avons cités tout à l’heure, celui de la bouche de qui
sort l’épée a le visage « brillant comme le soleil. » Il est
d’ailleurs facile d’établir, sous ce rapport, une comparaison entre Apollon
tuant le serpent Python avec ses flèches et Indra tuant le dragon Vritra avec
le Vajra ; et ce rapprochement ne saurait laisser aucun doute sur l’équivalence
de ces deux aspects du symbolisme des armes, qui ne sont en somme que deux
modes différents d’expression d’une seule et même chose.
D’autre part, il
importe de noter que la plupart des armes symboliques, et notamment l’épée et
la lance, sont aussi très fréquemment des symboles de « l’Axe du
Monde » ; il s’agit alors d’un symbolisme « polaire », et
non plus d’un symbolisme « solaire », mais, bien que deux points de
vue ne doivent jamais être confondus, il y a cependant entre eux certains
rapports qui permettent ce qu’on pourrait appeler des « transferts »
de l’un à l’autre, l’axe lui-même s’identifiant parfois à un « rayon
solaire. »
Dans cette signification axiale, les deux pointes opposées du vajra se rapportent à la dualité des pôles, considérés comme les deux extrémités de l’axe, tandis que, dans le cas des armes à double tranchant, la dualité, étant marquée dans le sens même de l’axe, se réfère plus directement aux deux courants inverses de la force cosmique, représentés aussi, par ailleurs, par des symboles tels que les deux serpents du caducée ; mais, comme ces deux courants sont eux-mêmes respectivement en relation avec les deux pôles et les deux hémisphères, on peut voir par là que, en dépit de leur apparente différence, les deux figurations se rejoignent en réalité quant à leur signification essentielle.
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