Source : Symboles de la Science sacrée, par René Guénon, éditions Gallimard, collection Tradition.
On pourrait
facilement donner de multiples exemples, de provenances très diverses, des
cornes employées comme symbole de puissance ; on en trouve notamment dans
la Bible, et plus spécialement encore dans l’Apocalypse ; nous en citerons
un autre, pris à la tradition arabe, qui désigne Alexandre sous le nom d’El
Iskandar dhûl-quarnein, c’est-à-dire « aux deux cornes », ce qui est
interprété le plus habituellement dans le sens d’une double puissance
s’étendant sur l’Occident et sur l’Orient.
Cette interprétation est parfaitement juste, tout en n’excluant pas un autre fait qui la complète plutôt : Alexandre, ayant été déclaré fils d’Ammon par l’oracle de ce dieu, prit pour emblèmes les deux cornes de bélier qui étaient le principal attribut de celui-ci ; et cette origine divine ne faisait d’ailleurs que le légitimer comme successeur des anciens souverains de l’Égypte, à qui elle était également attribuée.
On dit même qu’il se fit
représenter ainsi sur ses monnaies, ce qui du reste, aux yeux des Grecs,
l’identifiait plutôt à Dionysos, dont il évoquait aussi le souvenir par ses
conquêtes, par celles de l’Inde surtout ; et Dionysos était le fils de
Zeus, que les Grecs assimilaient à Ammon ; il est possible que cette idée
n’ait pas été étrangère non plus à Alexandre lui-même ; mais cependant,
Dionysos était représenté d’ordinaire avec des cornes, non de bélier, mais de
taureau, ce qui constitue, au point de vue du symbolisme, une différence assez
importante.
Il y a lieu de
remarquer en effet que les cornes, dans leur usage symbolique, revêtent deux
formes principales : celles des cornes du bélier qui est proprement
« solaire » et celle des cornes de taureau, qui est au contraire
« lunaire », rappelant d’ailleurs la forme même du croissant. On pourrait
ainsi, à ce propos, se référer aux correspondances respectives de deux signes
zodiacaux du Bélier et du Taureau ; mais ceci donnerait lieu surtout, par
l’application qui pourrait en être faite, à la prédominance de l’une ou de
l’autre forme dans différentes traditions, à des considérations
« cycliques » dans lesquelles nous ne pouvons songer à entrer
présentement.
Pour terminer cet aperçu, nous signalerons seulement encore un rapprochement, sous certains rapports, entre ces armes animales que sont les cornes et ce qu’on peut appeler les armes végétales, c’est-à-dire les épines. Il est à noter, à cet égard, que beaucoup de plantes qui jouent un rôle symbolique important sont des plantes épineuses ; ici encore, les épines, comme les autres pointes, évoquent l’idée d’un sommet ou d’une révélation, et elles peuvent également, dans certains cas, tout au moins, être prises pour figurer les rayons lumineux.
On voit donc que le symbolisme est toujours parfaitement cohérent, comme il doit d’ailleurs l’être nécessairement par là même qu’il n’est point le résultat de quelque convention plus ou moins artificielle, mais qu’il est au contraire fondé essentiellement sur la nature même des choses.
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