Source :
Apocalypses et cosmologie du salut par Pierre de Martin de Viviès, éditions du
Cerf, collection Lectio Divina
Qumrân représente une étape importante dans l’évolution de la figure de Satan. Dans les écrits de Qumrân se met en place la figure d’un « ange des ténèbres » véritablement opposé au Seigneur. La tendance est alors de relire toute l’histoire en fonction des deux camps ennemis, chacun pouvant compter des partisans au sein de l’humanité. Significatif à ce propos est ce passage de la Règle de la communauté.
1QS3 : « Dans la main du Prince des
lumières est l’empire sur tous les fils de justice. Dans des voies de lumière
ils marchent ; et dans la main de l’Ange des ténèbres est tout l’empire
sur les fils de perversion : et dans des voies de ténèbres ils marchent. »
La pensée de Qumrân est profondément marquée par un dualisme
fondamental qui oppose la lumière et les ténèbres. Ce dualisme se concrétise
par les deux figures opposées du Prince de la lumière et de l’Ange des
ténèbres. Chacune est à la tête d’un camp également opposé : les fils de
lumière et les fils de perversion. Ces créatures sont des anges et
appartiennent donc primitivement au monde d’en haut. Le Prince de lumière vient
en aide et combat pour les justes, alors que l’Ange des ténèbres inspire une
conduite mauvaise aux fils d’iniquité. Cet Ange des ténèbres n’est pas appelée
Satan, mais porte le nom de Bélial.
1QM 13 : « Et le Prince de lumière, tu
l’as commis jadis pour nous porter secours ; et dans son lot, sont tous
les anges de justice et tous les esprits de vérité sont dans son empire et toi,
tu as créé Bélial pour la fosse, l’ange d’hostilité et de reniement avec son
plan et son dessein, pour qu’on commît des impiétés et pour qu’on commît des
fautes ; et tous les esprits de son lot sont des anges de
destruction : dans les décrets des ténèbres, ils marchent et vers les
ténèbres tend leur désir, d’un même mouvement. »
Ce nom n’est pas inconnu de la littérature
vétérotestamentaire. En hébreu, Bélial est d’abord un nom commun dont
l’étymologie la plus probable reste la composition de belî yâ al, ce qui
signifie, « sans utilité, sans valeur. » Tel quel, ce terme
s’applique à des choses ou à des personnes que l’on qualifie de
« vauriens » mais le terme peut parfois être employé comme nom
propre.
Le psaume 18 verset 5 fait référence aux liens de la
mort et aux torrents du Bélial et peut témoigner d’un usage différent du terme
qui désignerait alors quelque réalité du monde d’en bas, en lien avec la mort
et le shéol. Cet usage peut être rapproché de Psaumes 41, 9 où il est fait
mention de Bélial pour parler d’une maladie qui conduit à la mort. Dans la
littérature de Qumrân, Bélial est clairement utilisé comme un nom propre pour
désigner une créature angélique.
Des multiples emplois de ce terme, il ressort les points suivants : Bélial est un ange des ténèbres et une créature rebelle à Dieu. Son rôle principal est d’égarer les hommes pour les détourner de Dieu. Il apparaît comme le chef d’une armée d’esprits qui lui sont soumis et amplifient son action sur toute la terre. Son pouvoir maléfique est contré par un ange fidèle à Dieu dont la mission est de veiller sur les Justes et tout spécialement sur la communauté de Qumrân. Cet anges est alors appelé Ange de lumière ou Ange de vérité.
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