« Sans la peine de mort est-ce la peine de vivre ? »

 

Source : Le Royaume de l’Au-delà par Thomas Edison, précédé de Machines nécrophoniques par Philippe Baudouin, éditions Jérôme Millon, collection Golgotha.

Thomas Edison appartient à la race des « thanatopracticiens. » Sa vie durant, il n’a cessé d’œuvrer en faveur d’une ingénierie de la mort. La plupart des objets techniques qu’il conçoit ou perfectionne font resurgie le caractère à la fois spectaculaire et mystérieux des phénomènes liés à la découverte de l’électricité, que le mesmérisme et le spiritisme avaient déjà exploité en leur temps.

Et l’invention du phonographe n’est que l’un des signes d’une telle attirance : lointains ancêtres du cinématographe des frères Lumières, le kinétoscope et le kinétographe, que met au point Edison en 1888, prolongent à leur tour ce même mouvement de propagation des fantômes électriques. C’est d’ailleurs à cette même époque que l’inventeur américain s’engage dans une bataille féroce contre le courant alternatif, que défendent les ingénieurs George Westinghouse et Nikola Tesla.

Pour remporter la victoire sur ses concurrents, Edison met en scène plusieurs électrocutions publiques d’animaux, la plus célèbre demeurant la mise à mort de l’éléphant Topsy, le 4 janvier 1093, filmée par ses propres employés, afin de prouver, au moyen d’une scénographie morbide, la plus grande dangerosité du courant alternatif. Cette obsession pour le pouvoir destructeur de l’électricité ne cessera de hanter Edison qui met au point la première chaise électrique de l’État de New-York. Le premier test effectué au début du mois d’août 1890 donnera lieu à un spectacle de cris et de sang insoutenable pour les quelques témoins de l’expérience : William Klemmer, le condamné, meurt après une agonie de plusieurs heures durant lesquelles il s’est vu administrer des décharges d’intensité croissante.

L’électricité et les techniques domestiques associées envahissent la vie quotidienne jusqu’à s’immiscer dans les tombes. Afin d’éviter les cas fâcheux d’inhumation précipitées et de répondre à la crainte d’être enterré vivant, évoquée notamment dans la nouvelle L’Ensevelissement prématuré (1844) d’Edgar Allan Poe, plusieurs inventeurs conçoivent, à partir de la fin du dix-neuvième siècle, de surprenant appareils destinés à équiper les cercueils de fils électriques et de câbles téléphoniques de toutes sortes. J.G. Krichbaum imagine en 1882 un système pneumatique permettant aux gardiens des cimetières d’observer ce qui se passe au fond des tombes.

Hanté par les hurlements traumatisants d’une jeune fille enterrée vive, Michel de Karnice-Karnicky conçoit en 1899 un dispositif plus complexe : une boule de verre déposée sur la poitrine de l’inhumé est reliée à un ressort communiquant avec une boîte métallique placée sur le cercueil, au moyen d’un long tube, pour détecter d’éventuels mouvements auquel cas le dispositif déclencherait alors simultanément un drapeau ainsi qu’une sonnette pendant plusieurs minutes. La même année, Monroe Griffith dépose un brevet pour son « avertisseur télégraphique de tombe » au moyen duquel la victime d’une inhumation précipitée activera l’envoi immédiat d’un message en morse à destination du gardien du cimetière ou du poste de police.

Comment ne pas songer ici à la nouvelle Die Resurrection Co de l’écrivain allemand Walther Rathenau ? Publiée en 1898, on y découvre l’étrange projet d’une compagnie de télécommunication de relier les tombes du cimetière local au réseau téléphonique de la ville. Le récit de Rathenau semble avoir inspiré Richard Matheson dans la rédaction de sa nouvelle « Long Distance Call » (1961) dont l’adaptation télévisuelle intitulée Night Call et réalisée par Jacques Tourneur pour la série télévisée américaine La Quatrième dimension fut diffusée en 1964.

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