Pourquoi être deux si on peut être seul ?

 

L’approbation de la vie, c’est ce pari, peut-être absurde, consistant à dire oui à l’éternel retour des figures individuelles de la vie, ou s’il on veut des différences. Or, cette approbation suppose que soit joué le jeu de la reproduction, autrement dit l’adhésion à la sexualité ; car bien qu’au niveau du plan culturel, il soit évidemment possible de dissocier le fait érotique du fait reproducteur, les deux restent intiment liés dans la trame de l’instinct. Autrement dit, l’attirance érotique, qui comme le voulait déjà Schopenhauer, implique le retour virtuel de la vie, suppose la mise en commun de deux êtres et l’abolition — définitive chez les êtres simples, provisoire chez les êtres plus complexes —, de la figure individuelle. S’il est vrai, comme le veut Bataille, mais aussi tout un axe de la pensée occidentale depuis Anaximandre, que l’homme a foncièrement la nostalgie de la continuité perdue, alors, dans l’expérience érotique qui met pourtant en jeu les forces les plus secrètes de la Vie, cette nostalgie se donne libre cours au point que cette expérience est aussi celle de la dissolution, qui confine au désir de mort.

Jean Libis : Le Mythe de l’Androgyne

Commentaires