Cabale mortelle

 

Source : Pic de la Mirandole et la cabale, par Chaïm Wirszubski, traduit de l’anglais et du latin par Jean-Marc Mandosio, suivi de Gershom Scholem : Considérations sur l’histoire des débuts de la cabale chrétienne, éditions de l’Éclat, collection Philosophie imaginaire.

Peccatum Adæ fuit truncatio regni a cæteris plantis. Le péché d’Adam a été de retrancher le royaume des autres plantes.

L’interdiction du fruit de l’arbre de la connaissance — Genèse, 2, 16-17 : « Et le Seigneur Dieu commanda à l’homme en disant : tu peux manger de tous les arbres du jardin, mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement » est interprétée dans le Talmud de Babylone (Sanhédrin, f. 56v) et dans le Midrach Bereshit Rabba (XVI 16) comme impliquant six ou sept interdictions, à savoir : le mot « commanda » sous-entend l’interdiction de l’idolâtrie ; « le Seigneur », l’interdiction du blasphème ; « Dieu », l’interdiction de pervertir la justice ; « à l’homme », l’interdiction de verser le sang ; « en disant », l’interdiction de l’adultère, etc. Le Zohar s’empare de cette interprétation et la reformule à la manière cabalistique en termes de « coupure des plantes, ce qui signifie la séparation des Sefirot.

« Rabbi Yossi dit : En ce qui concerne ce qu’on dit nos maîtres, que Dieu a interdit à Adam l’idolâtrie, le blasphème, la perversion de la justice, le meurtre, etc., pourquoi tout cela était-il nécessaire, puisque l’homme était alors tout seul dans le monde ? Mais en vérité toutes ces interdictions portent sur l’arbre, car elles sont contenues en lui, étant donné que quiconque prend uniquement de lui provoque la séparation… Il est coupable d’idolâtrie à l’égard des grands vassaux ; de meurtre, car il dépend de cet arbre qui est du côté de la Puissance, et il est sous l’emprise de Samaël ; et d’adultère, car il est la femme et est appelé « épouse », et il est interdit de rencontrer seul une femme, sans son mari, pour éviter d’être soupçonné d’adultère. Tous les interdits étaient par conséquent inclus dans l’interdiction de cet arbre, et quand il en mangea, il les transgressa tous. Rabbi Yehuda dit : il en est certainement ainsi, et il est interdit de rencontrer une femme seul, sauf en présence de son mari. »

Après avoir cité ce passage du Zohar, Recanati poursuit par ces mots (Commentaire du Pentateuque., f. 19v-20r) : « Il est vrai que les sept commandements ont été enjoints aux enfants de Noé, mais il est aussi vrai qu’ils ont été sous-entendus dans le mystère susdit, car l’interdiction de l’idolâtrie signifie qu’il ne faut pas couper les plantes, et il en va de même pour l’interdiction de verser le sang, car celui qui la sépare [la Shekhina, la dixième sefirah] se rend lui-même coupable d’avoir versé le sang.

« Même chose pour la prohibition de l’adultère, à savoir qu’il ne doit pas s’unir seul avec elle… Et en ce qui concerne le mot « disant », dont il a été dit qu’il sous-entendait l’adultère, vous comprendrez cela à partir de ‘Ils ont méprisé la parole du Saint d’Israël’ [Isaïe, 5, 24] et ‘Il a exaucé sa parole’ [Lamentations, 2, 17] De là vous pouvez comprendre la signification du mot ‘disant’ dans l’ensemble de la Loi, à savoir qu’il fait allusion à la Shekhina, ‘Tu peux manger librement de tous les arbres du jardins, c’est-à-dire quand ils sont tous unis, car Abraham, Isaac, Jacob et David, qui étaient les jambes de la Merkava [char divin], chacun d’eux mangea les fruits du jardin d’Éden, et leurs dents ne grincèrent pas, parce qu’ils en avaient mangé quand ils étaient tous unis.

Sefer ha-Zohar [f. 35.b] : ‘Tu peux manger de tous les arbres du jardin : il lui était permis de les manger tous ensemble’, car nous voyons qu’Abraham en a mangé, qu’Isaac et Jacob en ont mangé, et qu’ils sont restés vivants. Mais cet arbre est l’arbre où habite la mort, quiconque en a pris isolément est mort, car il a pris un poison mortel, c’est pourquoi il est écrit : Car le jour où tu en mangeras, tu mourras… parce qu’il coupe les plante, cela signifie que l’interdiction n’était pas seulement qu’il ne doit pas en manger isolément, mais qu’il ne doit pas couper les plantes.

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