Ce n’est pas pour mourir qu’ils sont nés mais pour être
assassinés. Ils seront en réalité assassinés par ces exemplaires frais et
jeunes qui, du fait de leur facture et de leurs performances, sont identiques à
la facture et aux performances de ceux qui sont en train de disparaître, ont le
même droit à être actualisés, et qui, d’une certaine façon, sont toujours déjà
prêts, impatients et pressés, en tant que « potentialités déjà
emballées », à prendre la relève des anciens. Pour être plus précis, car
cette image n’est pas complètement exacte, les anciens produits sont assassinés
par la production. Car celle-ci a délibérément mis au monde les vieux
exemplaires dans un état où ils sont incapables de survivre. Et puisque la
production se sert de nous, les utilisateurs, comme d’alliés, puisqu’elle nous
exhorte et nous éduque à user les exemplaires en les consommant ou en les
utilisant, nous déchargeons les nouveaux exemplaires de leur sale travail en
tuant nous-mêmes les anciens exemplaires, afin que les nouveaux puissent,
innocents et mains propres, prendre leur place un jour.
Günther Anders : L’Obsolescence de l’homme
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