Source : Aux aguets par Vinciane Despret, préface
au Intelligences particulières, enquête sur les maisons hantées par Grégory
Delaplace, éditions Vues de l’Esprit.
Si l’on enquête sérieusement à propos de ces besoins qui doivent être honorés pour mener à l’existence une présence, une apparition, un fantôme, on est conduit à accepter que les expériences de hantises résistent particulièrement à une explication univoque, que le « ou bien, ou bien », ou bien les fantômes existent vraiment et tiennent tout seuls comme des faits, ou bien ils sont le produit de l’imagination, de l’influence, d’un déséquilibre psychique, d’une fraude, alors, rompre avec cette alternative, c’est retrouver du jeu dans la situation, des marges de manœuvre du fait de ne pas être capturé par la contrainte d’une seule explication qui s’impose au détriment des autres…
Et si ce qu’on appelé « constitution nerveuse
fragile » était un don, un talent, celui d’une sensibilité perceptive
particulière ? Et si l’imagination était un accès à la possibilité de voir
plus, ou autre chose ? Et si l’influence conduisait à la possibilité d’un
partage de cette intelligence particulière, une forme d’attention conjointe
intensifiée ? Il ne s’agirait pas d’une sensibilité en général, que certains
enquêteurs du côté scientifique, n’hésiteraient pas alors à renvoyer à la
« nervosité » ou à l’hystérie, mais, justement d’une sensibilité
acquise au travers de certaines expériences…
C’est ce que j’appellerais un « don pour l’inquiétude », à la fois au sens d’un talent pour percevoir ce qui inquiète et ce que d’autres ne percevront pas, ce qui ne peut qu’ajouter à l’inquiétude, et au sens que ce talent représente un coût considérable, un « donné », un sacrifice à consentir pour les personnes qui en sont dotées et qui perdront leur tranquillité et surtout le sentiment d’un monde partagé.
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