Ill. : Rêverie de la nuit (1895) par Alphonse
Osbert. Texte : Le Tarot des imagiers du Moyen Âge par Oswald
Wirth, préface de Roger Caillois, éditions Tchou, relecture en cours.
Les mystères de l’Arcane XVII sont ceux du sommeil et
de la nuit. Quand nous dormons, notre âme spirituelle s’évade du corps, qui
repose, abandonné au fonctionnement automatique de ses organes. Quelles sont,
au cours de la nuit, les occupations du moi dégagé ? Ne vivons-nous pas en
partie double, incarnés, puis périodiquement émancipés des liens de la
chair ? Est-il un besoin plus impérieux que celui du sommeil ?
Nous ne pouvons vivre sans dormir. Nous nous partageons
entre deux existences, dont l’une nous est inconnue. Chaque matin, nous
revenons d’un voyage dont nous ignorons les péripéties. Un écho nous en reste,
tout au plus, sous forme de rêve, quand notre cerveau enregistre des images,
témoins de notre activité nocturne inconsciente. Nous ne prenons garde à ces
réminiscences, révélatrices cependant pour le moins d’émotions provoquées par
des troubles fonctionnels. Ce qu’un malade avait rêvé guidait jadis le
diagnostic du médecin : dans les temples d’Esculape, où les suppliants venaient
dormir, le dieu aimait à montrer en songe aux intéressés le remède propre à les
guérir. De nos jours, les sujets endormis se montrent plus particulièrement
lucides quant aux soins médicaux qui leur sont nécessaires.
Le sommeil est donc une source d’information qui ne
doit pas être négligée. Par lui le rideau du mystère s’écarte, pour autoriser
quelques furtifs aperçus donnant corps aux trop vagues pressentiments qui nous
font deviner un autre monde. Les rêves ont été les premiers initiateurs de l’humanité.
Que se passe-t-il quand, fermant les yeux le soir à ce qui nous entoure, nous
partons dans l’inconnu ? Comparons-nous au plongeur qui, sa tâche
terminée, remonte à la surface où il se dépouille de son scaphandre. Quel
contraste entre l’opposition du fond de l’eau, où la vue du scaphandrier ne
porte qu’à une infime distance, et le vaste horizon lumineux qui se découvre à
lui dès qu’il respire à l’air libre.
Mais supposons que tout souvenir d’en haut s’éteigne
pour le plongeur revenu à son travail pénible dans la profondeur des eaux. Nous
nous représenterons ainsi notre enténèbrement à l’état de veille,
comparativement à l’émancipation lumineuse que nous vaut le sommeil. Notre
esprit ne s’engourdit pas comme notre corps ; tandis que celui-ci repose,
notre intelligence reste non-corporellement active. Il en résulte que la nuit
porte conseil, en raison de la clairvoyance acquise au dormeur dégagé de la
carapace obscurcissante à travers laquelle s’exerce son activité terrestre.
Lorsque nous nous endormons préoccupés d’une résolution à prendre ou d’un problème ardu à résoudre, il nous arrive de nous trouver au réveil en présence d’une détermination arrêtée ou de concevoir comme évidente la réponse à la question qui nous tracassait la veille. Tout s’explique par l’intervention de notre intime étoile bleue qui a su interroger ses sœurs plus grandes.
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