Veni foras

 

Source : Philosophie de l’œuvre commune par Nikolaï Fiodorov, éditions des Syrtes, sous la direction de Françoise Lesourd, traduit du russe par Gérard Conio, Régis Gayraud, Luba Jurgenson et Françoise Lesourd, postface de Svetlana Smeionova.

La conscience est indissolublement liée à la ressuscitation ; elle a été la première idée suscitée par la mort, la première action consciente, le premier mouvement conscient de l’homme, ou, plutôt des premiers fils et filles de l’homme ; c’est pourquoi le premier fils de l’homme doit être appelé à la fois « mortel » et « ressusciteur. » L’homme est un être qui enterre ses morts, telle est la définition la plus profonde de l’homme qui ait jamais été formulée et son auteur a exprimé cela même que toute l’humanité, bien qu’en d’autres termes, avait dit d’elle-même en se nommant mortelle.

Mais pour le premier fils de l’homme, qui avait vu le premier mort, l’enterrement ne pouvait rien être d’autre qu’une tentative de ressuscitation, et tout ce qui n’est plus maintenant que le rite funéraire — lavement du corps, service funèbre, office des morts, etc. — tout cela ne pouvait être utilisé auparavant que pour rendre la vie au mort, lui faire reprendre ses sens, en vue de la ressuscitation. Il serait étrange de chercher le début de l’enseignement sur la résurrection quelque part, chez les Perses par exemple, hors de la première pensée du premier homme car les doutes sur la possibilité de la résurrection apparaissent bien plus tôt que cet enseignement.

« Je ne pourrais jamais le faire revivre » — un pareil doute sur la possibilité de la ressuscitation ne pouvait se rencontrer que chez les païens les plus grossiers, qui ne connaissaient ni la doctrine enseignant de ressusciter les morts, ni aucun système philosophique. Et si tel est le sens de l’enterrement, s’il est une tentative de ressuscitation, alors, l’expression susmentionnée qui est attribuée à l’homme comme son trait distinctif, le fait qu’il enterre ses morts, prendra un sens incomparablement plus vaste que le terme « mortel », elle signifiera celui qui ressuscite, car celui qui enterre, c’est par conséquent celui qui rend la vie, qui ressuscite le défunt.

Le Christ est Celui qui ressuscite, et le christianisme est résurrection ; ressusciter Lazare fut le couronnement du ministère du Christ sur Terre ; et ce n’est pas avec le laurier et la myrte, symboles de la guerre et de la paix, mais avec des palmes, symboles de la résurrection qu’il a été accueilli par le peuple, et c’est pour avoir ressuscité un mort qu’il a été condamné par l’intelligentsia.

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