Source :
Stanislas de Guaita par Arnaud de l’Estoile, éditions Pardès, collection Qui
suis-je ?
La première édition d’Au seuil du mystère parut en 1886. Le succès fut immédiat et dépassa largement les prévisions les plus optimistes. Surtout, d’emblée, il plaça Stanislas de Guaita en position de chef de file du courant occultiste français, bien qu’il n’eût que 25 ans. Ce fut un bouleversement dans sa vie, car il n’avait sans doute pas prévu de se retrouver ainsi sur le devant de la scène. Cet exposé historique d’un étonnant modernisme connut bientôt deux rééditions revues et augmentées. Cette œuvre impressionna le public. Matigioï exprimera le sentiment de beaucoup : « Ce fut pour nous une révélation. » Les disciples affluèrent et, pour donner une cohésion à ce nouvel élan, en mai 1880, il décida de constituer l’Ordre Kabbalistique de la Rose+Croix. De plus, comme l’affirmait Barrès : « De 1880 à 1887, les initiés eurent lieu de s’émouvoir : des sociétés étrangères intriguaient pour dépouiller la France et faire reporter à Londres la direction de l’Occultisme européen. »
D’autres facteurs semblent être à l’origine de cette
résurgence d’un ordre rosicrucien. Le principal étant la possible initiation de
Stanislas de Guaita à une confrérie Rose+Croix entre août et octobre 1886. Il
est vraisemblable que l’utilisation d’un « nom mystique » dans sa
relation épistolaire avec Péladan soit le signe d’une initiation par
l’intermédiaire de celui-ci. Il s’octroie le nom de Nébo, initié apparaissant
dans Curieuse ; le deuxième tome de la Décadence Latine, œuvre de Péladan.
Il signe désormais de ce nom pour signer sa correspondance avec celui-ci.
Parfois, il n’hésite pas à signer Nébo R+C. Péladan avait déjà pris comme
« nom mystique » Mérodack, auquel il accordait le titre de
« Sâr. »
Précisons que Sâr signifie « roi » en
assyrien et que Mérodack est le dieu chaldéen assimilé à Jupiter. Péladan
tenait une grande partie de ses connaissances occultes de son frère Adrien.
Celui-ci décédé accidentellement le 29 septembre 1885 à la suite d’une erreur
de dosage sur la composition d’un médicament qu’il souhaitait essayer, était
lié au milieu dit de la « Rose+Croix de Toulouse. » Firmin
Boissin, journaliste né en 1835, apparaît comme l’un des derniers initiés de
cette Rose+Croix de la ville rose et pourrait avoir passé son flambeau à Guaita
par l’intermédiaire des frères Péladan. Peut-être le Mage d’Alteville a-t-il
été reçu dans l’ordre par Firmin lui-même ? nous en restons au stade des
hypothèses.
L’influence prépondérante des œuvres d’Éliphas Lévi
dans la pensée de Guaita, l’importance accordée à la kabbale par de célèbres
rosicruciens, notamment Khunrath, paraît être à l’origine de l’emploi du terme
« kabbalistique » dans la dénomination de l’ordre. Enfin, la
dénonciation des pratiques scatologiques de l’abbé Boullan, et sa condamnation
par un tribunal Rose+Croix supposait la renaissance d’un tel ordre.
Par ailleurs, à cette époque, nombre d’occultiste
parisiens sont membre de la Société Théosophique. Toutefois, l’enseignement
orientalisant de celle-ci les gênait singulièrement. Papus souhaitait restaurer
la tradition occidentale et faire de l’occultisme une science égale à celles
enseignées dans les universités. Il créa, de ce fait, la revue L’Initiation en
octobre 1888. Il voulut également placer cette restauration sous les auspices
d’une tradition séculaire ; ce sera la tradition rosicrucienne. En mai
1888, Stanislas de Guaita, avec l’aide de Joséphin Péladan, décide de réveiller
la tradition Rose-Croix. Ainsi, alors que la Rose+Croix s’endort à Toulouse,
ils décident de la rénover. Le cénacle informel, constitué pour condamner
Boullan, adopte sa structure définitive :
« L’ordre antique de la Rose+Croix était sur le
point de s’éteindre il y a trois ans, quand deux héritiers directs de ses
augustes traditions résolurent de la rénover, en l’affermissant sur de
nouvelles bases et maintenant, la vie circule à flots dans l’organisme mystique
du colosse rajeuni. »
De ce fait, en passant de Toulouse à Paris (1887-1888),
la Rose+Croix rénovée devient l’Ordre Kabbalistique de la Rose+Croix. Stanislas
de Guaita est aussitôt nommé Grand Maître de l’ordre. Celui-ci est dirigé par
un Suprême Conseil de douze membres, dont six doivent rester inconnus, leur
rôle consistant à réédifier l’organisation si, pour une raison quelconque, elle
venait à être dissoute. Les six premiers membres connus furent donc :
Guaita, Péladan, Papus, Barlet, Paul Adam, Julien Legay. Les six autres
demeurèrent totalement inconnus, au point que nombre d’auteurs émirent des doutes
quant à leur existence réelle. Le mystère reste entier.
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