Source :
Stanislas de Guaita par Arnaud de l’Estoile, éditions Pardès, collection Qui
suis-je ?
Au grand désespoir de sa mère, Stanislas de Guaita était foncièrement anticlérical. À ses reproches « d’irréligion », il répondait par des lettres respectueuses, sans pour autant se dédire de son opinion. Sa correspondance avec sa mère reste éloquente. Le 20 mars 1890, il lui écrit :
« Pourquoi le ralliement à la forme dogmatique du
Catholicisme. Il ne peut y avoir deux vérités contradictoires. Or, la science
positive est sur presque tous les points en contradiction formelle avec la
religion telle qu’on l’enseigne à cette heure. Mais moi qui possède, au moins
en partie, la tradition secrète de Vérité, moi qui ai dans la main une clef qui
me permet de pénétrer dans tous les sanctuaires et d’ouvrir tous les
tabernacles, je sais bien que l’enseignement actuel n’est qu’un voile suranné,
imparfait, rapiécé, misérable et taché, derrière lequel resplendit la Lumière
du Vrai. »
Dans une lettre [vers 1886] au Sâr Péladan, il se
montre tout aussi virulent : « Vois-tu, je crois te l’avoir
déjà dit : chez les catholiques, il n’y a que des ésotériciens et des
mystiques qui ne soient pas des imbéciles… mais le catholicisme est vraiment,
dans son exotérisme, et dans sa lettre, une religion tellement imbécile qu’on
ne peut se sauver de l’agnosticisme obtus que dans le ciel de la théosophie et
dans le ciel de l’extase. »
À l’inverse, l’auteur du Vice suprême était ardemment
catholique et tenait à réconcilier catholicisme et occultisme. Il était aussi
d’une germanophobie patente alors que Guaita avait du sans allemand par son
ascendance paternelle ; par surcroît, il parlait couramment cette langue.
La rupture s’avéra inévitable, malgré sept ans d’une amitié et d’une
collaboration profonde. Leur opposition sur la question religieuse semble avoir
été le point de schisme qui provoqua la création par Joséphin Péladan da
l’Ordre de al Rose+Croix Catholique et du Graal en 1890.
Le Sâr Mérodack n’acceptait plus les tendances
anticatholiques de la Rose+Croix kabbalistique alors que Stanislas de Guaita
considérait qu’on ne pouvait placer religion et ésotérisme sur un même
plan ; il lui écrira : « Non, mon ami, je ne pense pas que la
Foi soit le dernier mot de la Haute Magie. » Il énonçait là un postulat fondamental
de l’ésotérisme, à savoir que la religion est une voie collective de salut par
la croyance alors que l’ésotérisme est une voie de salut individuelle par la
connaissance, la gnose.
La connaissance abolit la foi. Ainsi, en véritable
occultiste, le Mage d’Alteville ne dit pas « Je crois » mais
« Je sais. » La voie ésotérique n’est pas une religion, encore moins
une morale, c’est véritablement une métaphysique expérimentale. Il précisera sa
pensée dans une introduction d’Au seuil du mystère en faisant une nette
différence entre la voie active de l’occultiste et la voie passive du mystique,
du croyant.
En outre, pour Stanislas de Guaita, l’extase active a deux degrés. Il explique ainsi que, lors du premier degré, l’Adepte pénètre l’essence même de la nature éternelle qui lui communique en mode directe, sans symbole, la « Vérité-lumière. » Pour le deuxième degré, il peut communiquer même avec l’esprit pur, qui le ravit au ciel ineffable des archétypes divins. Dans ce cas, il y a transfusion de la « Divinité-pensée », qui se fait « humanité pensante » en son intelligence, par l’effet d’une alchimie intime, d’une transmutation formidable et inexpliquée.
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