Planète fictive

 

Source : Le monde comme conscience et comme rien par Ladislav Klima, éditions de la Différence.

La question du sens du monde, se fondant sur la causalité, se réduit à la question de son origine ; vu l’infinitude de la causalité et du temps qui revient au même, toute explication positive du monde est a priori exclue. 1. Ou bien le monde est né de rien, ce qui contredit la causalité. 2. Ou bien, il a eu une cause homogène, c’est-à-dire causale, ce qui nous fait verser dans régression in infinitum. 3. Ou enfin, il a eu pour cause un mystérieux X., non soumis à la causalité, mais à y regarder de plus près, ce X. ayant la capacité d’entraîner des effets, devrait nécessairement être de nature causale, à subsumer donc sous la possibilité précédente. Les explications négatrices, qu’elles choisissent de contester ou l’existence du sens du monde en général ou sa cognoscibilité pour nous, demeurent superficielles…

Il faut donc attaquer le problème à partir de la base, en nous demandant tout d’abord : « ne nous battons-nous pas contre des moulins à vent ? » Ce dont nous cherchons le sens existe-t-il ? Existe-t-il quelque chose en général ? Mais enfin, c’est une vérité évidente !! En réalité, il n’y a pas de vérités évidentes, seuls sont évidents les mensonges : La pensée n’a d’autre but que la falsification de tout, la fabrication d’illusions, de fictions, de leurres, de mystifications, de supercheries… notre intellect est un professionnel non pareil du mensonge, ce qu’il prouve aussi en mentant de façon si convaincante que, tout infâme fumiste qu’il fût, il est impossible de ne pas le croire… ment le plus qui ment le mieux.

L’intellect est essentiellement mensonger, c’est-à-dire tout ce qu’il raconte sans exception est faux ; croire qu’un hasard puisse lui faire dire vrai, c’est absurde. En effet, les concepts « être », « monde », « quelque chose », « substance », tous tant qu’ils sont, sont de pures fictions. Qu’il nous semble que quelque chose existe, c’est la preuve qu’il n’y a rien ; si nous n’avions pas cette impression là, il y aurait sans doute quelque chose. Tout cela étant, la conclusion « RIEN N’EXISTE » s’ensuit de manière évidente. Que rien n’existe, ce serait vérité première s’il pouvait y avoir une pleine et unique vérité. Si cela nous paraît insensé, c’est la faute à notre nature menteuse ; l’absurdité est ici une preuve de la vérité. Il faut bien tenir pour vrai ce que nous savons être faux… comprendra cela qui aura compris l’ambivalence du monde, l’identité du vrai et du faux.

Notre processus cognitif est possible datant que nous nous en tenons au sol des fictions ; là où nous prétendons expliquer des fictions par des fictions, tout en présupposant leur vérité, nous ne couperons pas aux contradictions. Comment s’étonner si, parti pour calculer l’orbite d’une planète fictive, inexistante, on ne réussit pas à obtenir des chiffres concordants ? Or, le monde n’est rien autre chose qu’une planète fictive. Donc, le monde n’a pas de sens pour la bonne raison qu’il n’existe pas. Pour le cas où les braves gens ne regarderaient pas cette vérité comme une folie, qu’elle soit ici proclamée telle.

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