Affreux, Slayer et méchants

 

Ill. : Bloodline. Source : Le Cloître des ombres par Jean-Claude Schmitt, éditions Gallimard, collection Bibliothèque des Histoires.

Richalm a l’habitude de se laver la bouche avant de dire la messe : la bouche doit être immaculée pour recevoir le corps du Christ, mais que faire si, après la messe au réfectoire, le prêtre est saisi d’une irrépressible envie de vomir. Il est inévitable que l’hostie et les nourritures ingérées se trouvent mêlées au vomi. Le frère N. interroge à ce propos Richalm qui lui explique comment ne pas jeter l’hostie aux ordures, et surtout comment, grâce au signe de croix, s’empêcher de vomir.

« S’il m’arrive pendant le repas, un jour où j’ai communié, de sortir du réfectoire pour aller vomir, comme cela est arrivé à tel frère, que dois-je faire ? Si cela m’arrivait, je courrais vers n’importe quel bassin et je vomirais là, et ensuite, ayant fait couler de l’eau dans le bassin, je nettoierais tout. Si cela se passait ailleurs, où il n’y aurait pas de bassin, je recueillerais mon vomi dans quelque vase. À défaut, je le ferais dans mon vêtement. Mais je vous montre le meilleur remède contre le vomi, à savoir le signe de croix. Signez-vous fréquemment, il n’y a rien de plus efficace. »

Les souillures corporelles doivent épargner les lieux les plus sacrés : coupables de paroles futiles échangées juste avant à l’infirmerie, Richalm ne parvient pas à chanter les complies dans le chœur, il refoule l’envie de se moucher, sa morve symbolise clairement la faute commise et l’impuissance à chanter qui en découle. Jusqu’à ce qu’il ait quitté le chœur pour un autre lien où il trouve enfin du réconfort.

La tête et les mains sont également lavées avec soin. Richalm se lave la tête qu’il s’est salie en transpirant au chauffoir. Comme tous les moines, il se lave les mains à la fontaine, devant l’entrée du réfectoire. Les moines sont périodiquement rasés et tonsurés, sous peine d’apparaître après quatre mois comme de vrais sauvages. Même si Richalm parle de sa barbe, il dit aussi qu’il se rase, en prenant soin de faire auparavant le signe de croix pour éviter la douleur et il a l’habitude de raser les autres frères : il est donc probable qu’il n’a pas porté la barbe de manière permanente, d’autant moins que les moines cisterciens étaient glabre, à l’inverse des convers ; mais ils ne se rasaient pas tous les matins et Richalm a pu être doté d’un système pileux généreux lui valant entre autres le sobriquet de « juif » puisque les juifs portent la barbe et sont représentés ainsi dans le images.