La monnaie n’est plus ce qu’elle était puisqu’il n’y a plus de richesse dont elle soit le signe…
L’argent devient alors la retranscription universelle d’un monde vide de sens. Cet argent fétiche, autour duquel tourne la spéculation mondiale, bien au-delà de la reproduction du capital, n’a rien à voir avec la richesse ou la production de richesse ; il traduit la défaillance du sens, l’impossibilité d’échanger le monde contre son sens et en même temps la nécessité de transfigurer cette impossibilité en un signe quelconque : le plus quelconque de tous, celui qui traduira le mieux l’insignifiance du monde…
C’est d’ailleurs parce que cet argent fétichisé traduit une absence pure et simple qu’il devient spéculatif, exponentiel, voué lui-même au krach et à la dérégulation brutale…
Cet argent n’a donc pas d’équivalence comptable, il n’est l’équivalent universel de rien ; il serait en effet plutôt l’équivalent de la circulation universelle du Rien. Il est un signe désincarné, comme l’objet fétiche, qui n’a rien à voir avec l’acte ou la jouissance sexuelle. Il est à l’opposé de la monnaie vivante qui, elle, est le signe pur, le signe transfiguré de l’échange impossible. L’argent, lui, n’en est que le signe par défaut, le signe fétichisé.
Devenu référent absolu, il n’a plus de compte à rendre à personne et il ne sera plus racheté. En cela, il est semblable à une dette et de fait, il nous entraîne dans une dette infinie.
Jean Baudrillard : L’Échange symbolique
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