Ill. : Saint-Martin par Jean-Claude Vivenza, édtions Pardès, recommandé par Ènocint Catwaze.
Texte : La Clef de la magie noire, essais de Sciences Maudites par Stanislas de Guaita : comporte un long compte rendu du Crocodile de Louis-David de Saint-Martin.
L’excommunié d’une collectivité quelconque, soucieux de conjurer le verbe de réprobation qui pèse sur lui, ne doit point rester dans l’isolement. Il convient, ou qu’il se réconcilie de suite avec ses frères, si tant est qu’on l’admette à résipiscence : au cas contraire, ou encore lorsqu’en son for intérieur, il juge néfaste l’œuvre à laquelle il avait cru devoir collaborer jusque-là, il devient urgent qu’il s’affilie, de fait ou d’intention, dans un groupe sinon positivement hostile au premier, du moins autre. L’individu qui brave, isolé, une puissance collective adverse, sera fatalement brisé, ou converti, en un mot, vaincu.
C’est pour le soustraire aux courants des volontés adverses, et lui permettre de défier le pouvoir des Collectifs qui les gouvernent, que la Magie ordonne à l’opérateur de s’enclore dans un cercle, avec les hiéroglyphes de sa religion gravés au pourtour. Ces cercles, véritables forteresses pentaculaires, symbolisent la communion spirituelle dont il fait partie, et la protection efficace que lui vaut son adhésion au verbe collectif. Toujours le signe d’appui de la Volonté. S’il sait bien en tirer parti, l’occultiste centuple sa force en la multipliant par celle de tous ses adaptes vivants ; et même, comme nous l’avons énoncé ci-dessus, il peut évoquer l’Égrégore qui régit la collectivité et se couvrir de son égide.
Le baron de Gleichen, dont les Souvenirs posthumes sont si précieux pour l’histoire de l’ésotérisme au dix-huitième siècle, raconte un fait des plus significatifs, qu’on sera bien aise de nous voir enregistrer à l’appui de nos dire. Il en tient le récit de la bouche du sieur de la Chevalerie, le personnage même de l’aventure.
Les lecteurs du livre de Papus sur l’Illuminisme en France n’ignorent point comment Martinès de Pasqually prescrivait à ses disciples de disposer le local de leurs évocations. Rappelons, en deux mots, que chaque néophyte « travaillait » seul dans un segment ou quart de cercle tracé à l’Orient avec de mystérieux monogrammes inscrits et des cierges allumés aux angles. À l’opposite occidentale, se trouvait un cercle plus grand, dit « Cercle de retraite », qui symbolisait le Maître absent et la Puissance suprême de la CHOSE. Les disciples de Martinès désignaient sous cette énigmatique appellation le Collectif invisible de l’Ordre, et, généralement, tout principe des manifestations occulte : « la Chose veut » disaient-ils volontiers, la Chose permet, la Chose a défendu… Obéissons à la Chose, etc.
« Les travaux magiques de ces Messieurs ont pour objet surtout de combattre les démons et leurs satellites, sans cesse occupés à répandre les maux physiques et spirituels sur toute la nature par leur magie noire. Les combats se font particulièrement aux solstices et aux équinoxes, de part et d’autre. Ils travaillent sur des tapis crayonnés sur lesquels ils établissent leurs citadelles qui consistent en un grand cercle au milieu pour le grand maître, et deux ou trois plus petits pour ses assistants. Le chef, quoique absent, voit toutes les opérations de ses disciples quand ils travaillent seuls et les soumet. » (Souvenirs de Charles-Henri, Baron de Gleichen, 1868)
Les œuvres magiques de l’Ordre consistaient surtout en d’opiniâtres luttes contre les forces inversives des cercles mauvais. Ces batailles se livraient aux solstices et aux équinoxes. Or, il advint qu’un jour, la Chevalerie, contrevenant aux prescriptions de l’École, voulut accomplir les saints rites, en dépit d’une souillure récemment contractée. C’était une imprudence : il ne tarda guère à s’en repentir.
À peine avait-il engagé le combat, dans son quart de cercle, qu’il sentit la vie refluer de son cœur, et une mortelle angoisse l’envahir et l’étreindre. La force de ses adversaires l’accablait : il était près de succomber. Soudain, une brusque inspiration se fit jour en lui et il trouva la force de s’élancer dans le cercle de retraite. Dès qu’il y fut, une réaction s’opéra, salutaire : son cœur se remet à battre, la conscience lui fut rendue avec la vie. En même temps, une délicieuse sensation de tiédeur moite et parfumée l’enveloppa comme un bain.
Le péril était passé… à quelques jours de là, Martinès écrivit à son disciple qu’il veillait sur lui, de loin, et qu’il l’avait assisté dans sa détresse en lui suggérant de se jeter ainsi, dans le grand cercle de la Puissance suprême. L’emploi du cercle magique est indiqué, toutes les fois qu’on s’expose en butte à la réprobation d’une puissance constituée.
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