« Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence »

Source : Le Serpent de la Genèse, première septaine, Le Temple de Satan par Stanislas de Guaita, coll. Essais de Sciences maudites.

Le Volt de l’envoûtement classique est la figure, modelée en cire, du personnage dont on veut la perte. Plus la ressemblance est parfaite, plus le maléfice a la chance de réussir. Si, dans la composition du Volt, le sorcier peut faire entrer, d’une part quelques gouttes de saint chrême ou de fragments d’hostie consacrée ; d’autre part, des rognures d’ongle, une dent, ou des cheveux de sa future victime, il pense que ce sont autant d’atouts dans son jeu.

S’il peut dérober à celle-ci quelques effets, qu’elle ait beaucoup portés, il s’estime heureux d’y tailler l’étoffe dont il habillera la figurine, la plus possible à l’instar de son vivant modèle. La tradition prescrit d’administrer à cette poupée ridicule tous les sacrements qu’a pu recevoir le destinataire du sortilège : Baptême, Eucharistie, Confirmation, Prêtrise et jusqu’à l’Extrême Onction, si le cas y échoit. Puis l’exécration se pratique en lardant cet objet d’épingles empoisonnées, avec une grande explosion d’injures pour exciter la haine, ou bien en l’écorchant à certaines heures fatidiques, au moyen d’éclats de vitre ou d’épines vénéneuses, toutes dégoûtantes de sang corrompu.

Un crapaud, auquel on donne le nom de celui qu’on désire envoûter, remplace aussi parfois le Volt en cire, mais les cérémonies imprécatoires demeurent identiques. Une autre recette veut qu’on lie le crapaud vivant avec les cheveux qu’on s’est procurés d’avance : après avoir craché sur ce vilain paquet, on l’enterre sous le seuil de son ennemi ou en tout autre endroit qu’il fréquente tous les jours, par nécessité ; l’esprit élémentaire du crapaud s’attache à lui désormais et le persécute jusqu’à la tombe, à moins qu’il n’ait l’adresse de le renvoyer à l’envoûteur.

Éliphas Lévi, qui rapporte ce rite étrange, observe que le maléficié déjoue la manœuvre s’il prend soin de porter sur lui un crapaud vivant dans une boîte de corne. Le même auteur ajoute, au sujet de ce répugnant batracien : « Le crapaud n’est pas venimeux par lui-même, mais c’est une éponge à poisons : c’est le champignon du règne animal. Prenez donc un gros crapaud, dit Porta et enfermez-le dans un bocal avec des vipères et des aspics.

Donnez-leur pour toute nourriture pendant plusieurs jours, des champignons vénéneux, de la digitale et de la cigüe ; puis, irritez-les en les battant, en les brûlant et en les tourmentant de toutes les manières, jusqu’à ce qu’ils meurent de colère et de faim. Vous les saupoudrez alors d’écume de cristal pulvérisé et d’euphorbe, puis vous les mettrez dans une retorde bouchée et vous en absorberez lentement toute l’humidité par le feu ; vous laisserez ensuite refroidir et vous séparerez la cendre des cadavres de la partie incombustible qui sera restée au fond de la retorde ; vous aurez alors deux poisons, un liquide et un autre en poudre.

Le liquide sera aussi efficace que la terrible Aqua Toffana ; celui en poudre fera dessécher ou vieillir en quelques jours, puis mourir au milieu d’horribles souffrances ou dans une atonie universelle, celui qui en aura pris une pincée mêlée avec son breuvage. Il faut convenir que cette recette a une physionomie magique des plus laides et des plus noires et qu’elle rappelle, à lever le cœur, les abominables cuisines de Canidide et de Médée.

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