« Les nihilistes aussi aiment la beauté »

Ill. : Classique vintage. Texte : L’Art de l’icône, théologie de la beauté par Paul Evdokimov, éditions Desclée de Brouwer.

De même qu’au centre du cercle, il y a ce point unique, où sont encore indivises toutes les droites qui en partent, de même en Dieu, celui qui a été jugé digne d’y parvenir, connaît d’une science simple et sans concepts toutes les idées des choses créées. » Sans concepts, signifie ici la saisie intuitive et contemplative et c’est pourquoi les iconographes enseignent le « jeûne des yeux » qui réapprend à contempler.

Déjà sur le plan optique, l’œil ne perçoit point les objets mais la lumière réfléchie par les objets. L’objet n’est visible que pare que la lumière le rend lumineux. Ce que l’on voit, c’est la lumière qui s’unit à l’objet, l’épouse en quelque sorte et prend sa forme et le figure et le révèle. L’interaction mystérieuse du charbon et de la lumière produit le diamant. Selon une vieille croyance populaire, l’éclair pénétrant la nuit d’une huître engendre la perle. L’espace n’a d’existence que par la lumière qui en fait la matrice de toute vie.

C’est dans ce sens que la vie et la lumière s’identifient. La lumière rend tout être vivant en en faisant celui qui est présent, celui qui voit l’autre et qui est vu par l’autre, celui qui vit avec, et « vers l’autre », existant l’un dans l’autre. Par contre, l’enfer, l’Hadès grec ou le Shéol hébreu, signifie ce lieu enténébré où la solitude réduit l’être à l’extrême indigence du solipsisme démoniaque où aucun regard ne croise un autre. Les Apopthtegmes coptes de Macaire l’Ancien donnent de cette solitude une saisissante description. C’est par leur dos que les captifs sont liés les uns aux autres, et seule une grande pitié des vivants leur apporte un instant de repos. « Le temps d’un clin d’œil, nous voyons les visages les uns des autres. »

Selon le récit biblique de la création du monde, au commencement : « Il y eut un soir et il y eut un matin et ce fut le jour. » L’Hexaméron ne connaît pas la nuit. Les ténèbres et la nuit ne sont pas crées par Dieu ; pour le moment, la nuit n’est qu’un signe de l’inexistant, le néant abstrait « séparé » de l’être de par sa nature. Le matin et le soir marquent la succession des événements, désignent la progression créatrice et ne forme que le jour, dimension de la lumière pure. Son contraire, la nuit, n’est pas encore la puissance effective des ténèbres ; la nuit n’est pas encore la puissance effective es ténèbres ; la nuit, dans le sens johannique, n’apparaît que dans la chute.

Elle n’est pas une simple et passive absence de la lumière. Les psychiatres savent que toute passivité apparente cache une sourde et active résistance. La ténèbre dont il s’agit est une fuite désespéré à l’intérieur d’elle-même, car impuissante à se soustraire à la Lumière, et qui, pour se cacher, se couvre d’obscurité coupable et manifeste une attitude démoniaque et consciente de négation et de refus.

Lors du repas du Seigneur, la chambre haute est toute inondée de lumière car le Christ est au milieu des apôtres. C’est à ce moment que Satan entre en Judas et dès lors Judas ne peut pas demeurer dans le cercle de lumière ; il sort précipitamment, et Jean, si sobre pour les détails, remarque : il faisait nuit. Les ténèbres de la nuit enveloppent Judas et dissimulent le terrible secret de sa communion avec Satan. Le premier jour de la Création, notent les Pères, n’est pas prôti mais mia, il n’est pas le premier mais l’un, l’unique, hors série. Il est l’alpha qui porte déjà et appelle son oméga, le huitième jour de l’accord final, le Plérôme.

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