Source : Le Roi du monde par René Guénon, éditions Gallimard, collection Tradition.
Parmi les traditions auxquelles nous faisions allusion tout à l’heure, il en est une qui présente un intérêt particulier : elle se trouve dans le judaïsme et concerne une ville mystérieuse appelée Luz. Ce nom était originairement celui du lieu où Jacob eut le songe à la suite du quel il l’appela Beith-El, c’est-à-dire la maison de Dieu… Il est dit que l’Ange de la Mort ne peut pénétrer dans cette ville et qu’il n’y a aucun pouvoir ; et, par un rapprochement assez singulier, mais très significatif, certains la situent près de l’Alborj, qui est également, pour les Perses, le « séjour d’immortalité. »
Près de Luz, il y a, dit-on, un amandier, appelé aussi luz en hébreu, à la base duquel il est un creux par lequel on pénètre dans un souterrain ; et ce souterrain conduit à la ville elle-même, qui est entièrement cachée. Le mot Luz, dans ses diverses acceptions, semble d’ailleurs dérivé d’une racine désignant tout ce qui est caché, couvert, enveloppé, silencieux, secret ; et il est à noter que les mots qui désignent le Ciel ont primitivement la même signification.
On rapproche ordinairement « cœlum » du grec « koilon », « creux », ce qui peut avoir un rapport avec la caverne, d’autant plus que Varron indique ce rapprochement en ces termes : « a cavo cœelum » ; mais il faut remarquer aussi que la forme la plus ancienne et la plus correcte semble être caelum, qui rappelle de très près le mot « caelare », « cacher. » D’autre part, en sanscrit, Varuna vient de la racine « var », « couvrir » ce qui est également le sens de la racine « kal » à laquelle se rattachent le latin « celare », autre forme de « caelare », et son synonyme grec, « kaluptein » ; et le grec Ouranos n’est qu’une autre forme du même nom, « var » se changeant facilement en « ur. »
Ces mots peuvent donc signifier « ce qui
couvre », « ce qui cache » mais aussi « ce qui est caché au
sens, le domaine suprasensible, et c’est aussi, dans les périodes d’occultation
ou d’obscurcissement, la tradition qui cesse d’être manifestée extérieurement
et ouvertement, le « monde céleste » devenant alors le « monde
souterrain. »
Commentaires
Enregistrer un commentaire