Source : Le Serpent de la Genèse, première septaine, Le Temple de Satan par Stanislas de Guaita, coll. Essais de Sciences maudites.
Les objets pesants se déplacent, s’envolent, déambulent, reviennent à leur point de départ ; ou, s’étant élevés à plusieurs pieds du sol, retombent sans bruit. Des formes nuageuses se précisent, se condensent ; des mains apparaissent… Lumineuses, le plus souvent, ou encore couleur de chair, ces mains sortent d’un brouillard mouvant. Leurs contours, nettement accentués, deviennent indécis vers la région du poignet ; la ligne hésite alors, tremble dans un halo et finit par se perdre par dégradations insensibles dans le remous vaporeux de l’avant-bras.
Ces mains sont palpables , ceux qui les ont touchées les comparent volontiers à des gants de peau gonflés d’air tiède, on n’y sent point d’os, et si, les ayant saisies, on veut les retenir de force ou qu’on les tire à soi d’autorité pour découvrir le bras auquel elles se rattachent, le tout devient une vague ébauche ; une agrégation de substance problématique, inconsistante et qui fond sous les doigts… Parfois encore, les mains apparaissent noires et velues… Elles agissent en tout cas avec une liberté absolue et une parfaite aisance et bien qu’on ne peut douter qu’elles ne se rattachent à un corps humain bien vivant et normal, quoique invisible.
Quand la main s’est bien précisée, seule et dépourvue de support apparent, il n’est pas rare de voir le corps invisible s’objectiver à son tour ; totales ou partielles, ces coagulations se dissolvent aussi aisément qu’elles se sont compactes. Visiblement, ces extériorisations épuisent le médium : plus elles se multiplient, plus il paraît las. Sentant alors le besoin de faire provision de force nerveuse, il saisit les mains d’une personne jeune et bien portante, qui éprouve aussitôt la succion fluidique de ce vampire de salon. C’est une sensation délicieuse de langueur, accompagnée de frissons.
Et de fait, la température ambiante baisse de plusieurs degrés, en moins d’une minute. Des souffles glacés courent en tous sens, à la manière des vents-coulis. Ces phénomènes atmosphériques s’accentuent de préférence à l’instant précis des objectivations importantes par leur volume et leur netteté. Les médiums sont plus ou moins solidaires de tous ces spectres. Je m’explique.
Lorsqu’il advient qu’un spectateur malavisé frappe ou blesse les apparitions lumineuses ou condensées en forme humaine, qui se manifestent autour de ces êtres maladifs, ceux-ci subissent immédiatement le contrecoup de la blessure faite au fantôme. Si l’arme dont on a fait usage est aiguë, l’égratignure, ou tout au moins une marque en apparence de cicatrice, ne tarde point à marbrer la peau du médium.
Ce phénomène répercussif est communément sans gravité, quand l’agresseur n’a lésé qu’une larve évoluant dans le nimbe occulte du médium ; l’accidente est beaucoup plus sérieux, si le coup de pointe a entamé la substance même de l’expérimentateur en sortie de corps astral. Dans une séance publique donnée à New-York par Z…, puissant médium à matérialisation, un Yankee crut spirituel d’essayer son bull-dog sur le fantôme : il le frappa d’une balle à bout portant.
Aussitôt, un cri de détresse se fit entendre à plusieurs pas en arrière et le pauvre médium, tombé sans connaissance, eut la poitrine tachée d’une profonde ecchymose ; et pourtant, il n’a pu recevoir la balle, qui s’est fichée dans le mur, dans la direction inverse. Car l’Américain, se trouvant assis juste dans l’espace qui séparait du médium le spectre condensé, a visé droit devant soi, par conséquent à l’opposé du médium.
Atteint par voie répercussive, ce dernier resta suspendu plus d’un mois entre la vie et la mort. Il ne guérit qu’à grand peine. Ce fait, véritablement typique, m’a été certifié par une personne des plus sérieuses, qui le tenait elle-même d’un témoin oculaire de cette triste scène.
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