L’invention du diable. Si nous sommes possédés du diable, cela ne peut pas être par un seul, car nous mènerions, sinon, du moins sur terre, une vie paisible, comme avec Dieu, dans l’unité, sans contradiction, sans réflexion, toujours sûrs de celui qui assure nos arrières. Son visage ne nous ferait pas peur car, étant des êtres diaboliques, nous aurions la sagesse en dépit d’une certaine sensibilité pour cet aspect de plutôt sacrifier une main avec laquelle nous couvririons son visage. Si un seul diable nous possédait, avec une vue tranquille, que rien ne contrarie, sur notre être entier, et une disponibilité de chaque instant, il aurait aussi assez de force pour nous tenir et nous brandir tout au long d’une vie humaine à une telle hauteur au-dessus de l’esprit de Dieu qui est en nous que nous ne pourrions même pas avoir la plus petite idée de ce diable et ne serions donc pas non plus inquiétés de ce côté-là. Il faut que les diables soient en foule pour faire notre malheur sur terre. Pourquoi ne s’exterminent-ils pas les uns les autres à l’exception d’un unique ou bine pourquoi ne se subordonnent-ils pas à un grand diable : ces deux solutions iraient dans le sens du principe diabolique consistant à nous berner aussi parfaitement que possible. À quoi peut donc servir, tant que l’unité manque, la sollicitude maniaque que tous les diables ont pour nous.
Franz Kafka
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