Instant book : le livre inutile, que déjà par principe on ne devrait même pas lire, mais qu’il est amusant d’acheter et d’offrir. Quiconque traverse les couloirs des gratte-ciel américains remarque que les poubelles sont remplies de « paperback. »
On achète l’édition de poche, on lit le livre et puis on le jette. Qu’est-ce que cela signifie pour l’univers du livre ? J’ignore ce que cela annonce. À première vue, pour qui aime les livres, cela fait mauvaise impression, car non seulement, on se débarrasse du livre policier, mais également de Guerre et Paix ; aucune peine à le trouver dans les poubelles, après tout, il n’a coûté qu’un dollar quatre-vingt-quinze. On l’a lu, il n’y a guère de place dans l’appartement et on le jette. À première vue, cela cause un malaise, disais-je. Mais par la suite, on songe que c’est peut-être là un élargissement dans le cadre de la consommation du principe de la bibliothèque de prêt.
Donnez dix exemplaires d’un livre : cent personnes l’auront entre les mains pendant deux jours, pour le rendre ensuite. Donnez cent mille exemplaires d’un livre : cent mille personnes l’auront entre les mains pendant deux jours pour le jeter ensuite ; toutefois, il faudra tenir compte par la suite de l’aspect écologique. Il me semble que la multiplication du livre à jeter après consommation est un des nombreux moyens par lequel, inconsciemment, l’industrie du livre cherche à réagir face au vertige de l’excès d’information. « Lisez et ne vous inquiétez pas, de toute façon, vous vous en débarrasserez ensuite, vous ne serez pas soumis au chantage de la présence de cette multiplicité d’objets »
Umberto Eco : Réflexions sur l’imprimé (1988)
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