Source : Le Roi du monde par René Guénon, éditions Gallimard, collection Tradition.
La Shekina est la « présence réelle » de la Divinité. Il faut noter que les passages de l’Écriture où il en est fait mention tout spécialement sont surtout ceux où il s’agit de l’institution d’un centre spirituel : la construction du Tabernacle, l’édification des Temples de Salomon et de Zoroabel. Un tel centre, constitué dans des conditions régulièrement définies, devait être en effet le lieu de la manifestation divine, toujours représentée comme « Lumière » ; et il est curieux de remarquer que l’expression de « lieu très éclairé et très régulier » que la Maçonnerie a conservée, semble bien être un souvenir de l’antique science sacerdotale qui présidait à la construction des temples, et qui, du reste, n’était pas particulière aux Juifs…
Nous n’avons pas à entrer dans le développement de la théorie des « influences spirituelles », nous préférons cette expression au mot « bénédictions » pour traduire l’hébreu berakoth, d’autant plus que c’est là le sens qu’a gardé très nettement en arabe le mot barakah ; mais même en se bornant à envisager les choses à ce seul point de vue, il serait possible de s’expliquer la parole d’Elias Levita, que rapporte M. Vuillaud dans son ouvrage sur la Kabbale juive : « Les Maîtres de la Kabbale ont à ce sujet de grands secrets. »
La Shekina se présente sous des aspects multiples, parmi lesquels il en est deux principaux, l’un interne et l’autre externe ; or, il y a d’autre part, dans la tradition chrétienne, une phrase qui désigne aussi clairement que possible ces deux aspects : « Gloria in excelcis Deo, et in terra Pax hominibus bonæ voluntatis. » Les mots Gloria et Pax se réfèrent principalement à l’aspect interne, par rapport au Principe, et à l’aspect externe, par rapport au monde manifesté ; et, si l’on considère ainsi ces paroles, on peut comprendre immédiatement pourquoi elles sont prononcées par les Anges ou Malakim pour annoncer la naissance du « Dieu avec nous » ou « en nous » alias Emmanuel.
On pourrait aussi, pour le premier aspect, rappeler les théories des théologiens sur la « lumière de gloire » dans et par laquelle s’opère la vision béatifique (in exelsis) ; et, quand au second, nous retrouverons ici la « Paix » à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure, et qui, en son sens ésotérique, est indiquée partout comme l’un des attributs fondamentaux des centres spirituels établis en ce monde, « in terra. »
D’ailleurs, le terme arabe Sakînah, qui est évidemment identique à l’hébreu, Shekinab, se traduit par « Grande Paix », ce qui est l’exact équivalent de la Pax Profundis des Rose-Croix ; et, par là, on pourrait sans doute expliquer ce que ceux-ci entendaient par le « Temple du Saint-Esprit », comme on pourrait aussi interpréter d’une façon précise les nombreux textes évangéliques dans lesquels il est parlé de la « Paix », d’autant plus que « la tradition secrète concernant la Shekinah aurait quelque rapport à la lumière du Messie. »
Est-ce sans intention que M.
Vuillaud, lorsqu’il donne cette dernière indication, dit qu’il s’agit de la
tradition « réservée à ceux qui poursuivaient le chemin qui aboutit au
Pardès » c’est-à-dire au centre spirituel suprême…
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