Source : L’Opale entydre par Nathalie Henneberg, éditions Christian Bourgois, collection Dans l’épouvante, collector.
Par mesure de passe-temps, les jeunes officiers s’amusèrent à identifier les objets flottants qui venaient vers la maison, puis se divisaient en deux files parallèles, entraînées par deux courants différents.
— Une armoire, s’exclama l’un d’entre eux. Je parie que c’est une armoire. Ma tante de Henckel-Steindorf en a une pareille : un monument rococo ! Mais non, c’est une huche paysanne. Tu ne te rends pas compte : un meuble rococo sur un fleuve démonté, ce serait ridicule !
— Je me rends parfaitement compte, rétorqua l’autre. Mais l’eau est un élément égalitaire qui pénètre partout. Et d’ailleurs, ce qui vient là-bas n’est pas une armoire mais certainement un cercueil qui a dû coûter cher — qu’est-ce que tu racontes ? — Je dis que c’est un cercueil d’ébène, avec de belles ferrures. Ça, c’est du solide et on verra le désastre qu’il fera en frappant de plein fouet cette maison qui ne tient déjà plus debout. Tiens, on voit d’ici, sur le couvercle, un serpent qui forme couronne.
— Vous dites ?, demanda subitement le lieutenant-colonel, se soulevant dans son fauteuil. Un serpent ?
— Mettons une couleuvre, fit Henckel-Steindorf, conciliant.
— Un éclair violet enflamma le paysage et ne fut suivi d’un grondement sourd que de très loin. La maison trembla ; ses assises étaient vraiment ébranlées. Le marquis de Marsfeld s’était rapproché de la fenêtre et il regardait, de tous ses yeux.
— Fermez les volets, ordonna-t-il d’une voix sourde. On nous voit du dehors.
Les jeunes officiers s’empressèrent. Mais d’après ce
qu’en savait Otto de Berzenstein, il était trop tard, beaucoup trop tard.
L’énorme cercueil qui glissait au ras des eaux n’avait nulle intention de
s’écarter ni à droite ni à gauche. Il venait tout droit sur la maison à moitié
broyée et…
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