Avalanche

Il fallait un homme décidé à affronter la laideur, pour que la honte, le remords et la peur de vieillir, et les rides et l’horreur du dévouement puissent émerger de leur nuit et devenir quelque chose. « Je ne suis pas sûr, écrit Baudelaire à sa mère, le 12 avril 1856, que la colère donne du talent ; mais en supposant que cela soit, je devrais en avoir un énorme ; car je ne travaille jamais qu’entre une saisie et une querelle, une querelle et une saisie. »

Sans doute, jeté sur le ciment de son sous-sol, dans les sueurs de sang, comme un chat ou comme une bête sauvage qui abrite des regards du monde ses dernières convulsions, l’homme qui écrit : « Maintenant, je veux fuir l’horreur de la face humaine » aimerait s’évader, tout comme un autre et échapper à l’étreinte de son illustre compagnon, le malheur ; pour illustre que soit ce compagnon, Baudelaire est un homme et il n’aime pas le malheur, la laideur pour eux-mêmes.

Mais de même qu’il avait pressenti que « l’homme et la femme savent que c’est dans la certitude du mal que gît toute volupté » il a le sentiment profond que c’est dans le malheur que gît toute vérité.

Leonard Cohen : Avalanche

Benjamin Fondane : Baudelaire ou l’expérience du gouffre

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