Source : Modernité viennoise et crise de l’identité par Jacques Le Rider, Presses Universitaires de France, collection Quadrige.
Les travaux littéraires de Bert-Hofmann ont été peu nombreux, mais toujours fêté par ses contemporains comme des grandes réussites : deux nouvelles de style décadent en 1893, Camélias et Un enfant, quelques poèmes, en particulier la « Berceuse pour Myriam » de 1897, dédiée à sa fille née en septembre 1897, le récit « La Mort de Georges » (1900), qui reste dans l’histoire de la littérature comme l’œuvre la plus marquante de Beer-Hofmann, un drame de style élisabéthain inspiré par une pièce de Massinger et Field : « Le comte de Charolais » (1904), quelques essais comme le discours sur Mozart de 1906. Plus tard viendront le cycle théâtral intitulé L’histoire du roi David et quelques travaux de mise en scène au Burgtheater, dans les années 1920 et 1930.
A vrai dire, la créativité de Richard Beer-Hofmann semble avoir connu quelques éclipses qui inquiétaient ses amis et admirateurs. Dans ses entretiens avec Werner Vordtriede, il raconte avec franchise que sa vocation littéraire n’avait jamais été très marquée ; mais, ajoute-t-il, « dans le cercle [de Hofmannsthal, Schnitzler, Bahr] on était persuadé que j’écrirais et que je serais un bon écrivain. Je jouissais d’un crédit sans limite, non seulement avant d’avoir publié, mais même avant d’avoir écrit quoi que ce soit… »
A plusieurs reprises, dans les lettres de Hugo von Hofmannsthal, on trouve de véritables exhortations : « Cher Richard, forcez-vous à travailler pour de bon, je vous en prie », écrit-il en 1894 ; et six ans plus tard : « Je suis très préoccupé à la pensée qu’une fois encore vous avez renoncé à travailler… » Comme l’autre ami de Hofmannsthal, Leopold von Adrian, dont l’œuvre poétique est restée particulièrement mince, Richard Beer-Hofmann semble avoir été frappé par la même maladie que Lord Chandos qui s’avouait incapable de reprendre la plume.
Les deux nouvelles de 1893 expriment la quintessence de la « décadence » et du dandysme viennois, tout comme l’Anatol de Schnitzler. Dans « Camélias », Freddy, un célibataire de trente-huit ans quitte un bal aux premières heures de l’aube, rentre chez lui et songe à rompre avec sa maîtresse pour épouser Théa, une jeune fille de dix-sept ans dont il vient de tomber amoureux ; mais la pensée d’un mariage bourgeois l’effraie ; il renonce à son projet, et se contente d’envoyer, comme d’ordinaire, un bouquet de camélias à Fanny, sa maîtresse, qui incarne le type de la süsses Mädel des faubourgs, si souvent représenté par Schnitzler. Freddy est un dandy hanté par la crainte du vieillissement, qui a sur sa table de chevet le livre Hygiène de l’amour de Mantegazza, où l’on parle de maladies vénériennes.
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