Rien n’était
réversible dans la suite des siècles où le Mal s’est perpétué, ainsi que
l’établit terriblement la doctrine judéo-chrétienne rompant avec toutes les
histoires de cycles et d’éternel retour en imposant à tout un chacun son petit
temps d’Enfer absolu, il faut que tout soit consommé. Et il consomme le
peintre, il consomme et il consume, se consume. Gardons en mémoire la
plainte d’Artaud : « J’ai besoin que le Mal me rejoigne, sans cela
je ne peux pas créer. » Ce pourrait être le cri même de la peinture. Klee
ne dit d’ailleurs pas autre chose : « Le Mal n’est pas cet ennemi qui
nous écrase ou nous humilie mais une force collaborant à l’ensemble. »
Chaque œuvre naît
par des catastrophes et la première catastrophe originelle, nécessaire, celle
que la peinture va sans répit traquer, n’est-ce pas celle de la Chute de l’homme,
révélé dans l’Ancien Testament ? Ce déboulé dingue de corps, ce fabuleux
déchargement de viande que peint Rubens dans sa Chute des Damnés, ces vols
planés mis en scène par Greco, qui vont désormais programmer la peinture ?
Ne pourrait-on justement dater la naissance de la peinture, sa volonté
d’autonomie qui se manifeste déjà dans certaines fresques par rapport à la
symbolique byzantine, dans la mise en place de basculement à cent quatre-vingt
degrés, ce plongeon désordonné, affolé des corps dans l’espace…
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