Meister

 

On les imagine mal, ces œuvres, au fond d’une chapelle, proposées à l’admiration des fidèles. On voit mal comment ces pages de cahiers, ces modèles réduits, ces bouts de carton, ces morceaux de nappes de bistrot, qu’on ne peut souvent voir que si on a le nez dessus pourraient ressouder une communauté. Des isolés, mes peintres. S’adressant à des isolés. Disant l’insurmontable isolement. Je reconnais : pas des athlètes, mes petits maîtres, pourtant, paradoxe, c’est eux dans les musées qui cognent le plus fort sur nos gueules d’humains muselées. C’est eux qui en disent le plus long, le plus profond sur l’increvable muse de notre espèce médusée ; c’est eux, avec leurs moyens rudimentaires, leur santé fragile, leur vie ratée qui dressent le tableau le moins frelaté, le moins complaisant, le plus véridique, le plus insupportable de notre condition d’encoconnés.

H. R. Giger : Meister und Margeritha (cut version)
Jacques Henric : La Peinture et le mal

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