Pris sur Academia.edu. L’Œuvre de Babalon 1946 : L.
Ron Hubbard et John Whiteside Parsons, la pratique de la magie
énochienne, (1) par Henrik Bogdan, Université de Gothenburg (Suède),
in. Numen 63 (2016), traduction de l’anglais par Nedotykomka, no
copyright infringement intended.
Le
problème avec Jack, c’est son côté sentimental et
romantique — Aleister Crowley, à propos de Jack Parsons
*
En 1946, soit
quatre ans avant la publication de l’œuvre fondatrice de Lafayette Ron Hubbard,
La Dianétique : la puissance de la
pensée sur le corps (1950), Hubbard participa à des activités qui, à ce
jour encore, demeurent sensibles pour l’Église de Scientologie.
Au cours de cet
été, Hubbard se livra à une série de rites magiques avec John Whiteside
Parsons, alias Jack Parsons (1914-1952), un pionnier de la conquête spatiale et
cofondateur du Jet Propulsion Laboratory,
qui était aussi le dirigeant de la Loge Agape de l’Ordo Templi Orientis, une
société secrète implantée aux États-Unis depuis le début des années vingt, sous
la supervision d’Aleister Crowley (1875-1947)
Que Hubbard ait
frayé avec la Magick ne fut pas établi publiquement avant 1969, lorsque le Sunday Times (Londres) publia un compte
rendu détaillé des activités de Hubbard avec Parsons : « Les étranges débuts de la carrière de Ron
Hubbard. » Cet article d’Alexander Mitchell puisait aux archives
personnelles inédites de Parsons, dans sa correspondance, mais aussi dans un
carnet de notes dactylographiées où Parsons consignait jour après jour les
événements. Ce fonds qui était alors en la possession d’un collectionneur,
admirateur et ancien disciple de Crowley, Gerald Yorke (1901-1983), se trouve
aujourd’hui à l’Institut Warburg de l’Université de Londres. L’article de 1969
décrit comment Parsons cherchait à incarner la déesse thélémienne de la
sexualité, Babalon, dans un corps humain.
« Pour parvenir à cette fin scabreuse, Parsons
avait besoin d’une partenaire sexuelle avec laquelle concevoir un enfant dans
le monde astral et spirituel. Si ce bricolage s’accomplissait, Parsons serait
en mesure d’invoquer la descente de l’enfant céleste et de l’implanter directement dans un utérus humain. Une fois
né, cet enfant serait l’avatar des forces de Babalon. Alors qu’il se préparait
magiquement à cette tâche, Parsons reçut l’aide empressée d’un néophyte du nom
de Ron Hubbard. » (Mitchell, 1969)
Clairement, cet
article était hostile à Hubbard : l’auteur prenait soin de mentionner à
quel point Crowley se méfiait de lui et le considérait comme un escroc et un
charlatan. D’autre part, que Hubbard ait effectivement pratiqué la magie
sexuelle avec un des principaux disciples de Crowley embarrassait l’Église de
Scientologie. En conséquence, la Scientologie intenta un procès au Sunday Times au terme duquel l’Église
obtint la condamnation du journal à un droit de réponse comme quoi il
n’existait pas de relations avérées entre Crowley et Hubbard.
Néanmoins, comme le
démontrait le sociologue Hugh B. Urban, le plus étonnant dans cette histoire
est que l’Église de Scientologie ne démentait pas formellement que Hubbard ait
pratiqué la Magick. Le 28 décembre 1969, la Scientologie publia son droit
de réponse dans le Sunday Times comme
quoi « l’Ordre des Templiers Orientaux
(sic) s’adonnait à des rites bestiaux et
indécents » et que Hubbard avait été envoyé au 1003 Orange Grove
Avenue pour mettre un terme à ces agissements. Selon l’Église, la maison avait
été retournée de fond en comble, Hubbard s’était enfui avec une jeune fille que
les débauchés comptaient utiliser et les magiciens noirs s’étaient retrouvés
contraints à disparaître sans laisser de traces. La jeune fille en question
n’était autre que l’ex-petite-amie de Parsons, sa propre belle-fille, Sara
« Betty » Northrup qui finit par épouser Hubbard en août 1946.
S’il y eut bien des
spéculations sur l’influence de Crowley quant à l’élaboration de la doctrine
scientologique, en particulier chez les critiques de l’Église, une rapide
recherche sur la toile montre que peu de travaux universitaires se sont
intéressés à l’implication de Hubbard auprès de Parsons, à l’exception notable
de Hugh B. Urban. Selon lui, la brève rencontre de Hubbard avec la Magick
aurait exercé une influence durable sur la formation du corpus scientologique,
malgré les dénégations ultérieures de l’Église. Ceci ne signifie pas bien sûr
que Crowley soit la principale source du système de Hubbard, plutôt un des
nombreux éléments dans le patchwork que constitue la Scientologie. Pour ma
part, je me limiterai à examiner l’Œuvre de Babylon. Qu’est-ce que Hubbard et
Parsons ont fait, concrètement, pendant l’été 1946 ? Et plus important
encore, pourquoi et quelle en était la signification ?
Thélème en Californie.
La fondation de l’Ordo Templi Orientis (OTO) remonte à la
veille de la Première Guerre mondiale, en Allemagne, auprès d’un groupe
d’occultistes réunis autour de leur intérêt pour la théosophie, l’occultisme et
le rosicrucisme dont le dirigeant se prénommait Theodor Reuss (1855-1923) Ce
dernier concevait son cénacle comme une sorte d’université maçonnique qui
rassemblerait les hauts degrés sous une même obédience. Selon Reuss, le
véritable secret de la maçonnerie était perdu mais la fondation de l’OTO le
restaurerait dans sa plénitude, la clef de l’arcane étant la magie sexuelle.
Cette insistance
sur la magie sexuelle et la mixité des loges distinguait fortement l’OTO de la
maçonnerie traditionnelle. En 1912, Crowley, déjà versé dans l’occultisme — il
avait fondé sa propre société secrète l’Astrum
Argentum en 1907 —, fut chargé par Reuss de présider l’obédience
britannique de l’OTO. Le thélémisme de Crowley incluait déjà la magie sexuelle
et il se considérait comme le prophète d’une religion à venir, l’Aeon de Horus,
ce qui lui avait été révélé en 1904, lors de son séjour au Caire où il rédigea
sous dictée médiumnique Le Livre de la
Loi. Par la conjonction de la magie occidentale ou Magick et par le
mysticisme oriental, l’initié pourrait parvenir à sa Volonté authentique. Après
la nomination de Crowley à la tête de l’obédience anglophone de l’OTO, qu’il
finirait par diriger internationalement, Crowley se servit de cette
organisation pour propager la Loi de Thélème.
Au début des années 40, il n’existait plus qu’une seule loge de l’OTO sous la direction de Crowley : la Loge Agape en Californie. Jack Parsons était entré dans ce milieu vers la fin de la décennie et il attira rapidement l’attention des membres les plus anciens. Jane Wolfe, une actrice de films muets, qui, dans les années vingt, avait vécu avec Crowley dans son Abbaye thélémite de Céfalù, en Sicile, consignait dans son journal à la date du premier décembre 1940 :
« Je ne connaissais pas ce John
Whiteside Parsons, un nouveau-venu, il a entrepris de voyager dans l’astral.
Ses connaissances ont déterminé Regina [Kahl] à le rejoindre dans cette entreprise. Finalement, je me suis décidée
aussi. Cette fois, ce sera la bonne. Par parenthèses, je tiens ce Parsons pour
l’enfant qui « paraîtra devant eux tous », les mystères cachés
là-bas, dans l’intérieur, auxquels fait référence le Chapitre I du Liber
Al. Âgé de 26 ans, 1 mètre
quatre-vingt-sept, énergique, probablement bisexuel, études à l’Université de
Californie et à Cal Tech, qui l’emploie actuellement dans un labo de chimie où
il travaille sur des explosifs plus
puissants, plus efficaces pour le compte d’Oncle Sam. Voyage incognito pour le
gouvernement. Compose des poèmes, dans le genre érotique dit-il. Mélomane, il
connaît bien la musique. »
L’allusion à
« l’enfant qui paraîtra devant eux tous » provient du Livre de la Loi qui prophétisait la
venue d’un enfant qui lui succèderait et qui révélerait certains secrets du Livre de la Loi que Crowley prétendait
ne pas comprendre lui-même. Il est remarquable qu’un membre émérite comme Wolfe
ait envisagé un tel rôle pour le néophyte Parsons. Visiblement, il avait fait
bon impression sur les Californiens de l’OTO et le 15 février 1941, il fut
initié comme Minerval et Membre du Premier degré à Winona Avenue.
À la même date, sa
femme, Helen Northrup Parsons, rejoignit l’OTO en recevant l’initiation au même
niveau. Tous deux passerait au Deuxième degré un an plus tard, le 15 avril
1942. La sœur d’Helen, Sara E. Northrup, future épouse de Hubbard, rejoignit
l’OTO en 1941 pour atteindre le Deuxième degré, en juin 1943. Parsons devint
très proche du Maître de Loge, Wilfred Talbot Smith qui écrivit une lettre
enthousiaste à Crowley, quelques mois seulement après l’entrée de Parsons à
l’OTO : « Je crois que nous
avons enfin une excellente recrue avec ce John Parsons. Dès Mardi prochain, il
commence un cycle de conférences afin d’élargir notre spectre. Il pense juste
et possède des capacités intellectuelles bien supérieures aux miennes, ce qui,
je vous l’accorde, n’était pas très difficile. J.P. nous sera d’une aide
précieuse. »
En Mars 1942, la
dévotion de Parsons était évidente au point que d’autres membres le
considéraient comme le digne successeur de Smith en tant que Grand Maître,
comme cela transparaît d’une lettre de Jane Wolfe à Aleister Crowley :
« Soit dit en passant, je crois que Parsons,
qui est en admiration pour Wilfred, sera le prochain dirigeant, sous l’écolage
de Wilfred. J’espère que vous vous rencontrerez un de ces jours, bien que vos
activités en Angleterre aient reporté la date de votre venue chez nous. Au
fait, Jack y parvient par des expériences intérieures, mais surtout, sans
doute, par des méthodes scientifiques. Il a été gagné à l’idée du Livre de la
Loi qui, selon lui, annonce Einstein, Heisenberg — dont les travaux ne sont pas
autorisés en Russie —, et puis les experts du domaine quantique qui
s’intéressent au facteur de l’infini et de l’inconnaissable, etc. Vous aurez
certainement des montagnes de choses à discuter. Lui et Helen sont tout feu,
tout flamme pour l’Ordre. » (Lettre de Jane Wolfe à Aleister Crowley,
9 mars 1942)
En Juin 1942,
Parsons déménagea au 1003 Orange Grove à Pasadena, l’Allée des Milliardaires,
une vaste villa qui se transforma en quartiers-généraux de l’OTO. L’obédience
devait connaître de graves dissensions dont les origines remontaient à
plusieurs années avant sa nouvelle implantation. Certains membres
s’interrogeaient sur les motivations de Smith en tant que Grand Maître et
écrivirent à Crowley pour se plaindre alors que ce dernier s’était retiré dans
une auberge de campagne pour éviter les bombardements sur Londres.
Ce qui subsiste de
leur correspondance montre qu’il jouait les membres les uns contre les autres,
en particulier Smith avec lequel il avait peu à peu pris ses distances. La
situation atteignit un point critique avec Matters lorsque Crowley lui présenta
un plan machiavélique pour se débarrasser de Smith : selon Crowley, Smith
était l’incarnation d’un Dieu inconnu et, afin de déterminer quelle puissance
était descendue sur lui, il devait rompre tout lien avec l’OTO et mener une
retraite spirituelle. Tout contact avec lui fut interdit aux membres de la
loge. En mai 1943, Jack Parsons devint le nouveau Grand Maître bien que Crowley
déplorât son inexpérience.
« Jack est notre objectif. Simth est out, une
affaire classée ; quiconque tentera de communiquer avec lui subira le même
sort ; c’est la meilleure manière de nettoyer l’ardoise et de reconstruire
Thélème sur des bases solides. Cette fois, ce ne sera pas un bordel de planches
pourries, mais un temple de marbre.
« Le problème avec Jack, c’est son
côté sentimental et romantique, le côté poète est VRAIMENT une nuisance. Il
s’intéresse trop aux magazines à bon marché, aux romans occultistes… si
seulement il savait comment ils sont concoctés et il se perd en entreprises
inutiles. Il DOIT apprendre que le pétillement du champagne provient de la
qualité et non d’une injection d’acide carbonique dans de l’urine. Si seulement
Dieu m’accordait six mois pour m’occuper de lui, même trois en y mettant le
paquet, pour lui forger une Volonté, une Discipline.
« Il faut qu’il comprenne que l’illumination
éblouissante et sauvage de l’esprit survient après une réorganisation de la
Matière, par l’entraînement intensif de chaque fonction corporelle jusqu’à ce
que soit un automatisme dont les effets portent sur les racines les plus
profondes de l’inconscient. C’est la solidité et la régularité du cœur qui
permet d’endurer de grandes passions ; il faut garder son sang-froid et
préserver ses fonctions vitales. » (Aleister Crowley à Jane Wolfe, décembre 1943)
Parsons entreprit
de réorganiser les activités de la Loge en tenant des conférences chaque
semaine sur des sujets divers, mais il demeurait loyal à Smith se plaignait à
Crowley de la manière dont il avait traité l’ancien Grand Maître. Vers la fin
de l’année, ces mauvais traitements l’incitèrent même à se retirer
provisoirement de son rôle, sans pour autant démissionner. Crowley lui
renouvela sa confiance, tout en se faisant du souci sur sa versatilité, ce qui
était apparemment aussi le cas d’anciens de l’OTO, comme il l’écrit à Ray et
Mildred Burlingame, le 10 février 1944 : « Je suis très heureux de votre proposition de collaboration à tous les
niveaux. J’ai laissé Jack Parsons en poste, un bon candidat en soi, mais trop
jeune et influençable. Je veux que vous l’aidiez à maintenir sa
trajectoire droite. »
La versatilité de
Parsons n’était pas le seul problème ; il avait une approche hétérodoxe de
la magie, recourait au vaudou et à des formes de sorcellerie que les autres
membres redoutaient. Plus important encore, Parsons nourrissait le projet de
produire une bèche entre le monde spirituel et matériel pour produire le
surgissement d’une entité méontique dans le monde. Établir un contact avec une
entité extérieure, voilà une idée familière aux membres de la loges contre
laquelle Crowley les avait mis en garde : il ne fallait pas prendre de
telles entités pour véritables. En 1919, il déclarait : « Chaque étudiant se gardera bien de leur
attribuer une réalité objective ou de leur accorder une validité philosophique
quelconque. »
Néanmoins, une
source d’inspiration possible de Parsons pourrait avoir été un bref texte de
Crowley Humunculo Epistola, un
document secret, destiné aux membres du Dixième degré de l’OTO.
L’Œuvre de Babalon.
Le Premier août
1945, L. Ron Hubbard arrive sur place et visite le 1003 Orange Grove Avenue en
compagnie de l’illustrateur de science-fiction Lou Goldstone. Bientôt, il
s’installe dans la villa et flirte avec la petite amie de Parsons qui n’est
autre que sa propre belle-sœur, Sara E. Norhtrup. Dans le même temps, Parsons
poursuivit ses expérimentations magiques pendant l’automne et l’hiver 1945,
avant de se rapprocher de Hubbard, en dépit de la perte de sa compagne. Parsons
éprouvait une forte attraction envers le charisme de Hubbard qu’il croyait en
contact avec son Saint Ange Gardien, ce qui, dans la terminologie thélémite,
impliquait que Hubbard avait atteint sa « Volonté authentique », son
essence. En janvier 1946, Parsons écrit à Crowley, transporté par son nouveau
partenaire en magie
« Voici environ trois mois, j’ai rencontré le
Capt. L. Ron Hubbard, un écrivain et explorateur dont j’avais préalablement
entendu parler. Un gentleman. Roux, les yeux bleus, honnête, intelligent. Nous
sommes rapidement devenus bons amis. Il a emménagé chez moi il y a deux mois et bien que Betty et moi
sommes encore proches, elle lui accorde désormais ses faveurs sexuelles. Bien
qu’il n’ait aucun entraînement formel en Magick, il possède déjà une somme
extraordinaire de connaissances dans ce domaine. D’après certaines de ses
expériences, j’en ai déduit qu’il était en contact direct avec une forme
d’intelligence supérieure, peut-être son Ange Gardien.
« C’est la personnalité la plus thélémienne
que j’aie jamais rencontrée et il est en accord complet avec nos principes. Il
cherche aussi à établir un Nouvel Æon, mais pour de sérieuses raisons, je ne
l’ai pas présenté à la Loge. Nous regroupons nos forces pour un projet séparé
qui servira de filiale pour s’occuper de nos entreprises commerciales. Je crois
que nous allons gagner gros et tant que Betty et moi-même restons de bons
associés, les risques sont minimes.
« J’ai beaucoup d’affection pour elle depuis le
départ, mais je n’éprouve aucune envie de contrôler ses sentiments dès lors que
j’espère surtout maîtriser les miens. J’ai besoin d’un partenaire magique.
Beaucoup de projets et d’expériences en tête. »
Les expériences
auxquelles Parsons faisait référence avaient déjà commencé le 4 janvier lorsque
Hubbard et lui-même entreprirent une série d’invocations aux élémentaux, ce à
quoi Parsons se livrait déjà. Plus tard, ces expériences fourniraient la
matière de L’Œuvre de Babalon ;
en introduction, Parsons y explique qu’une force violente gouverne notre
époque, celle du dieu Horus et qu’elle nous mène à la catastrophe.
« Cette course au désastre s’explique par
notre propre méconnaissance de nous-mêmes, de la concupiscence que nous
refusons de nous avouer, de nos peurs cachées, des haines qui résultent d’une
répression de nos désirs sexuels, telle est la psychologie sous-jacente de tous
les peuples occidentaux et nous nous précipitons dans une direction aussi meurtrière
qu’autodestructrice. »
La force d’Horus
doit trouver un contrepoids : Babalon ou « la force de l’amour, de la compréhension et de la liberté dionysiaque. »
Invoquer cette puissance était la tentative de Parsons pour empêcher
l’annihilation du monde : tout homme et toute femme possédait cette
puissance, mais elle pouvait aussi se manifester dans une personne bien
définie, l’objectif ultime de Parsons et de Hubbard.
« Il est dit que cette force s’incarnera dans
une certaine femme à la suite d’opérations magiques. Plus fondamentalement,
toutefois, cette force est présente en chacun de nous et il suffit de
l’invoquer pour libérer l’esprit des décombres du Vieil Æon, pour canaliser le
déferlement aveugle d’Horus dans un sens plus constructif, celui de l’amour et
de l’empathie. » (Manuscrit de l’Œuvre de Babalon)
Le texte enchaîne
sur les rituels auxquels procédèrent Hubbard et Parsons entre le 4 et le 15
janvier 1946. Tout comme autrefois, en 1909, dans le désert algérien, le poète
Victor B. Neuburg et Crowley, Parsons et Hubbard recoururent au système
énochien produit par les mages élisabéthains John Dee et Edward Kelly. En fait,
bien des arcanes du thélémisme avaient été révélés à Crowley par ces voies, y
compris le nom de la déesse Babalon, mais là où Crowley et Neuburg avaient
exploré les Aethers ou les niveaux
spirituels, Parsons et Hubbard se limitèrent à la Troisième clavicule ou
Troisième Appel, une invocation aux puissances élémentaire aériennes, grâce à
une « Table d’air. » Le premier jour, ils consacrèrent
un « Poignard aérien » destiné à servir « de talisman
opératif », ainsi qu’une table de correspondance énochienne, sur un
parchemin.
Le rituel
consistait en onze étapes : a) Invocation du Pentagramme de l’Air. b)
Invocation de Celui Qui n’est Pas Né. c) Conjuration de l’Air. d) Consécration
du Poignard aérien. e) Appel de l’arcane de la Troisième Aire. f) Invocation du
Dieu et du Roi de l’Aire. g) Invocation des Six Séniors. h) Invocation de
(RZLA) par (EXARP) à une manifestation visible. i) Invocation de la baguette
sur base matérielle d’un talisman. j) Invocation au poignard. k) Autorisation
de départ, purification, conjuration.
Les sources
proviennent clairement des œuvres de Crowley : Le Livre de la Goétie du Roi Salomon (1904) ; le Liber O vel Manus et Sagittae (1909) ;
le Liber A vel Armorum (1910) ;
le Liber Chanokh (1912) En fait,
l’association de ces rituels n’aurait pas semblé hétérodoxes aux membres de
l’OTO. La procédure devait s’accomplir pendant onze journées, après quoi les événements
suivants furent consignés :
5. Janvier : une forte tempête s’est soudain
produite au milieu de la première invocation.
6. Janv. : Invocation comme précédemment. Tempête
par intermittence, jour et nuit.
7. Janv : Deux invocations. Le vent s’est calmé.
Joué du Prokofiev. Concerto pour Violon, n°2 en musique de fond.
8 Janv. : Deux invocations, emploi de sang.
9 Janv. : Deux invocations, réapprovisionnement
en matériel.
10 Janv. : Deux invocations. J’ai arrêté vers
onze heures du matin avant d’être réveillé à midi par neuf coups rapides et
violents. Une lampe de chevet dans un coin de la pièce a été projetée à terre
où elle s’est brisée. Aucune fenêtre dans cet endroit de la pièce. Note :
j’étais peu habitué à ce genre de phénomène. D’un point de vue magique, il
représente une « brisure » opérative, un résultat non escompté.
11 Janv. : Deux invocations, emploi de sang.
12 Janv. : Deux invocations, violente tempête.
13 Janv. : Deux invocations, la tempête continue.
14 Janv. : Panne d’électricité dans toute la
maison vers neuf heures du matin. Un autre mage présent sur les lieux est venu
voir avec une bougie dans la cuisine où il a éprouvé une forte poussée sur
l’épaule droite et la bougie lui a été soufflée des mains. Il nous a appelés et
nous avons observé une lueur brun-jaune flotter dans la pièce à une hauteur de
deux mètres. Nous l’avons conjurée avec une épée et elle a disparu, mais le
bras droit de notre ami est resté paralysé pendant toute la nuit.
15 Janv. : Deux invocations. À ce stade, le
scribe [L. Ron Hubbard] a développé une sorte de vision astrale et il a pu
décrire ne détail un de mes vieux ennemis dont il n’avait jamais entendu
parler, puis il a décrit le gardien du seuil d’Isis et l’Archange Michel. Plus
tard, dans ma chambre, j’ai de nouveau entendu les raps, puis une voix
métallique, bourdonnante a hurlé : « Laissez-moi sortir » et
j’ai ressenti une énorme fatigue, une oppression partout dans la maison cette
nuit-là, ce qui a également été remarqué par les autres occupants. Pas d’autres
phénomènes, cependant.
Selon Parsons, le
résultat mit quatre jours à se manifester : « Cette impression de
tension et de malaise s’est poursuivie pendant quatre jours. Après, le 18
janvier, au coucher du soleil, lorsque le Scribe et moi-même nous trouvions
dans le désert de Mojave, cette oppression s’est soudain relâchée et je me suis
tourné vers lui en lui disant : C’est fini, absolument certain que
l’opération était accomplie. Ensuite, je suis rentré à la maison où j’ai
découvert une jeune femme qui m’attendait : elle répondait aux exigences.
On pourrait la décrire comme un élémentaire du feu, une rousse incendiaire, des
cheveux cuivrés, un air féroce et énigmatique, déterminée, opiniâtre, sincère
et perverse, dotée d’une personnalité remarquable, avec du talent et de
l’intelligence. »
À suivre…
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