Source :
Les Hommes de la clarté lunaire par Vassili Rozanov, éditions de L’Âge d’homme,
collection Classiques slaves, textes réunis, traduits du russe et présentés par
Gérard Conio.
Le soir du 9 juin, un pécheur s’est présenté au poste
de police de Serguievkaïa Poustynia et a déclaré à l’officier de service qu’en
sortant de la mer et en traversant le champ près du monastère, il avait aperçu
près d’un des buissons un brasier en train de s’éteindre et, à côté, un homme
étendu à moitié mort. L’officier, après avoir pris note de ces déclarations, se
rendit à l’endroit indiqué.
Près des buissons, effectivement, un brasier achevait
de se consumer et, à côté, un homme était étendu, les jambes brûlées, respirant
à peine. On le transporta aussitôt à l’hôpital du monastère où une infirmière
lui prodigua les premiers soins, puis dans la salle des urgences du Centre
Strelninski, d’où on le renvoya à Peterhof chez ses parents. Voici ce qu’il est
possible d’établir d’après le témoignage de ce patient qui, en réalité, sous sa
robe de moine, n’était pas un homme mais une femme.
C’était une paysanne du district de Peterhof, une
certaine Olga Petrovna Gvozdeva. Les derniers temps, elle avait lu beaucoup de
livres slaves et, dans le désir de sauver son âme, elle était tombée dans le
fanatisme et avait décidé de se brûler vive. Elle était venue dans ce but au
monastère de Serguiev et, après une prière fervente, elle était allée dans un
champ, avait ramassé des branches, allumé un feu et, après s’être déshabillée
complètement, elle s’était jetée dans le brasier.
Sous l’intensité de la douleur, elle avait perdu la
tête, s’était jetée en dehors du bûcher pour échapper aux flammes et était
tombée sans connaissance. Puis, après être quelque peu revenue à elle, elle
s’était couverte à grand-peine d’un vêtement mais n’avait pas réussi à bouger
jusqu’à l’apparition d’un pécheur. En le voyant passer dans le champ, elle
s’était écriée : « De l’eau, de l’eau… » Ce qui avait attiré
l’attention de celui-ci.
Près du bûcher, on trouva un long bâton enfoncé dans la terre, avec une petite croix au bout de laquelle était accrochée une image sainte. Elle avait confectionné ce monument funéraire au cas où elle aurait brûlé entièrement. On trouva également une longue natte qu’avant l’incinération elle avait coupée avec un couteau finnois. En outre, on avait trouvé beaucoup de livres d’édification spirituelle. La malheureuse souffrait de graves brûlures au ventre, au dos, si bien que, d’après le diagnostic des médecins, sa vie était en danger.
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