Honni voit qui mal y pense

 

Ill. : Lady Godiva (1890) par Jules-Joseph Levebvre
Source : Le Miroir, symbole des symboles par Robert « Régor » Mougeot, éditions du Cosmogone.

Dans nos pays d’Europe, et surtout en France, le Diable est inévitablement associé à la beauté et à la séduction. Est-ce parce que nous voyons tout avec un regard déformé ?

Connaissez-vous la première partie de l’histoire de la Reine des Neiges d’Andersen ? Elle traite du miroir et de ses débris. Le diable réussit un beau jour à fabriquer un miroir dans lequel le beau et le bien étaient rapetissés alors que le mal se trouvait amplifié. Qui se regardait dans ce miroir se découvrait difforme. Lorsque les diables voulurent l’élever vers le ciel, il éclata et ses morceaux s’éparpillèrent sur la terre entière. Ceux qui en reçurent un éclat dans l’œil virent partout le mal. Ceux qui reçurent un éclat dans le cœur furent endurcis dans le mal et ceux qui voulurent utiliser des morceaux de ce miroir pour fabriquer des lunettes connurent les pires mésaventures.

Le conte, comme la légende, donne toujours les clefs de l’aventure humaine. Pourquoi l’homme a-t-il perdu son ressenti naturel ? « Cela vient de ce qu’il a au cœur un éclat de verre et dans l’œil un éclat de ce même verre qui dénature les sentiments et les idées. Il faut les lui retirer ; sinon, il ne deviendra jamais un être humain digne de ce nom. »

Dans le récit d’Andersen, ce sont les larmes de la petite Gerda qui délivrent son ami Kay des éclats qu’il avait reçus et qui lui avaient brutalement changé le caractère. Pour lui, elle souffrit de grandes épreuves qui « tombèrent sur la poitrine de Kay, pénétrèrent jusqu’à son cœur et en fondirent la glace, de sorte que le vilain morceau de verre fut emporté et la glace dissoute. » Alors, Kay, à son tour, « éclata en sanglots ; les larmes jaillirent de ses yeux et le débris de verre en sortit. » À la fin de l’aventure, Gerda et Kay sont devenus adultes, ils ont grandi et cependant, ils restent enfants, par le cœur.

Ce qui est diable, c’est ce qui coupe en deux, dia bolein. Tout voir par les lunettes du Bien et du Mal mène aux pires mésaventures ; en portent témoignage tous les Inquisiteurs de tous les temps. Le serpent et le miroir de la Prudence sont alors diabolisés en serpent de la tentation et en miroir de la séduction. 

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