L’ermite n’avance
que sur un terrain dont il est certain ; il marche avec la prudence du
serpent. « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des
loups ; soyez donc prudents comme des serpents et simples comme des
colombes » (saint Matthieu, X, 16) Edmond Delcamp fait ressortir que
l’Ermite est un solitaire, comme Saturne est le signe de la solitude. C’est que
l’initié reste un solitaire dans ce monde ; et il ajoute :
« C’est pour cela aussi que l’Ermite voile sa lumière, elle ne pourrait
pas être vue sans danger par la foule ignorante ; il faut des degrés pour
s’élever jusqu’au beau en soi, jusqu’à la Perfection. »
Effectivement,
l’éclat de la vraie Lumière risquerait d’aveugler celui qui n’est pas préparé
pour la recevoir : souvenons-nous de la caverne de Platon. Mais si l’on
parvient à s’intégrer dans le monde de la Lumière, encore faut-il aller vers
ceux qui sont encore enchaînés, ceux qui sont restés prisonniers des ténèbres
de la vie. Cet homme âgé ne s’arrête pas ; il reste actif mais, s’il doit
nous mettre sur la bonne voie, par sa sagesse, il sait qu’il ne peut donner
qu’à bon escient. Aussi cache-t-il en partie la lumière ; il faut savoir
occulter les connaissances : « Un secret magique divulgué perd de son
pouvoir. » Aussi peut-on songer au Bateleur qui dissimule son illumination
intérieure, ne voulait pas aveugler son prochain.
Jean-Pierre Bayard : La Pratique du Tarot
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