Sale temps pour les
soixante-huitards et autres « baby boomers. » Après Duhamel, PPDA,
c’est au tour de Depardieu d’être accusé de viol. Qui s’en souvient : au
début des années quatre-vingt-dix, l’acteur des Valseuses avait failli se voir refuser sa « Green card » aux États-Unis en
raison de ses déclarations en France comme quoi il aurait participé à une
« tournante » dans sa jeunesse, avant de se rétracter et de prétendre
qu’il s’était mal exprimé. À présent, je serais curieux du traitement que la
fachosphère française réserve à son idole Depardieu ; ce dernier étant
identifié par certains droitards comme « un résistant à l’ordre
mondial » depuis qu’il a pris la nationalité russe — plus par conviction
fiscale que religieuse ou culturelle.
Jusqu’ici, la fachosphère
a relayé et amplifié les accusations des médias traditionnels, en se
réjouissant de la chute des « élites pédophiles de gauche. » C’est
pour le moins étrange. D’habitude, ces esprits forts nous avaient habitués à
une hypertrophie du sens critique : la Covid n’existe pas, les élections
américaines étaient truquées… En revanche, dès qu’on frappe sous la ceinture,
l’hypercritique s’arrête : tout passe ! Personne ne s’interroge sur
la synchronisation parfaitement réglée de ce déballage, ni sur son aspect
péremptoire. Du jour au lendemain, n’importe quel témoignage de comédienne « alcoolo
bobo mondaine » devient vérité absolue et la présomption d’innocence passe
à la trappe, surtout si l’accusé est Juif — dans le cas de l’acteur Richard
Berry.
Dernièrement, le
criminologue Xavier Raufer, qu’on avait connu plus pertinent, voyait dans ce
déferlement de scandales sexuels un retour de bâton bien mérité pour Mai
68. Chez nous, sans surprise, Sudpresse feint de s’étonner de la
concordance d’âge des trois stars inquiétées — PPDA, Depardieu et Berry :
« [Cette similitude d’âge] n’est-elle
pas le signe que ceux qui ont vécu à une certaine époque, Mai 68, n’ont pas
adapté leur comportement à la nôtre, qui est toute différente… Ce qui est sûr,
c’est que Mai 68 était une période qui a accordé beaucoup d’autorisations,
beaucoup de licences. (sic) »
Plutôt ironique de
lire cette réflexion dans un journal belgicain ultraroyaliste alors que la
dynastie Saxe-Cobourg n’est guère réputée pour sa vertu, à l’exception de Baudouin, et dont les frasques sont une tradition ancestrale ;
la mansuétude dont l’érotomane ventripotent Albert II bénéficie parmi les
féministes est d’ailleurs incompréhensible. Mais surtout, cette antienne comme
quoi Mai 68 aurait été le prélude d’une vaste partouze tient de l’escroquerie
intellectuelle. Comme le remarquait Marc-Édouard Nabe, « il ne s’est rien
passé en Mai 68 », hormis une révolte d’adolescents, du niveau d’une
bagarre de polochons, bébête et dérisoire en comparaison de l’écrasement du
Printemps de Prague par les chars communistes — un tout autre combat pour la
liberté.
L’essentiel est
ailleurs. Dernièrement, une connaissance qui travaille pour la Sûreté de l’État
— donc, pas un farfelu — me faisait remarquer qu’à l’époque, en France, la
majorité sexuelle était fixée à 21 ans ! De jeunes hommes de dix-huit ou
dix-neuf ans pouvaient se retrouver au tribunal pour détournement de mineurs… à
cause d’un simple flirt avec une partenaire du même âge. Les plaintes émanaient
la plupart du temps des familles et pouvaient se solder par une peine de
prison, voire par un internement en psychiatrie, une « collocation »
comme on disait alors en Belgique. Personnellement, j’ai connu des témoins de
cette génération, victimes de tels traitements et qui en sont restés marqués à
vie, alors qu’aujourd’hui, plus personne ne songerait à réprimer des amourettes
entre adolescents.
Non seulement, il
est mensonger de prétendre que Mai 68 aurait « libéré les mœurs »,
mais cela revient à décrire la génération de nos parents comme celle de
dépravés et de satyres. La mièvre chanson du pénible Adamo — « Vous permettez monsieur » — donne
une idée bien plus juste des mœurs étouffantes de l’époque où le mariage était
encore une institution corsetée et où, avant de convoler en justes noces, les futurs
époux devaient présenter un certificat « d’examen prénuptial » à leur
belle-famille, entre autres coutumes « bidochonnesques » qui
susciteraient de nos jours l’indignation. Je me souviens des premiers divorces
à l’extrême fin des années soixante-dix, popularisés par le film « Kramer contre Kramer », mais encore
rarissimes en Wallonie. Alors, beaucoup de licence ? Pas vraiment…
Si Mai 68 s’est
produit, c’est parce que la société de l’époque faisait peser une chape de
plomb : les émeutes parisiennes ont commencé parce que, dans les
internats, les garçons ne pouvaient se rendre dans le dortoir des filles. Cette
pudibonderie a échauffé les esprits en sens inverse et c’est ainsi que Libération ou des intellectuels comme
Michel Foucault en sont venus, par
aveuglement plus que par malveillance, à défendre des pratiques réellement
perverses, mais qui restaient le fait d’une infime minorité. Comme le rappelait
dernièrement Causeur, Matzneff — qui
n’a jamais rien eu d’un révolutionnaire — faisait fantasmer des adolescents,
moins parce qu’ils auraient souhaité se livrer aux mêmes ébats, mais parce
qu’ils vivaient toujours chez papa-maman et qu’ils ne pouvaient, eux,
rencontrer des filles.
Une étude
approfondie sur les archives de police et sur les statistiques criminelles des
« trente glorieuses » serait intéressante afin de déterminer si un
dévergondage généralisé eut véritablement lieu. À défaut d’une source sérieuse,
je me souviens des bandes dessinées de Cabu (de gauche) ou de Lauzier (de
droite) qui, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, ironisaient sur la
soi-disant « libération sexuelle » chez les hippies, tout aussi
coincés que la bourgeoisie provinciale.
En réalité, la
principale différence entre aujourd’hui et les années soixante, c’est que la
famille traditionnelle et la prétendue « domination patriarcale »
n’existent plus, du moins en Europe : si une « libération »
sexuelle s’est produite — une libéralisation dirait Houellebecq — c’est
beaucoup plus récemment, au cours de ces quinze dernières années. Les acteurs
de films pornographiques sont régulièrement invités dans des émissions de
grande écoute, la contraception est accessible y compris à l’école, le
travestissement et la transsexualité n’ont plus rien de tabou, pas plus que
l’homosexualité, qui sont autant de conduites qui bénéficient, pour le meilleur
et pour le pire, d’une valorisation qui aurait été impensable en
Mai 68.
Autre différence
capitale : désormais, les plaintes pour abus sexuels émanent, non plus des
familles, mais d’associations victimaires dont on peut se demander qui les
finance et de quel droit elles jouent les auxiliaires de police. Le paradoxe étant que cette atmosphère de
transgression généralisée, quasi obligatoire, et donc anti-érotique, se juxtapose à un
néo-puritanisme débile et, finalement, très peu catholique. Par ailleurs, il
faut noter que les accusations d’abus sexuels proviennent le plus souvent de
comédiennes — donc, de personnes à l’identité, disons, malléable — et qu’elles
frappent exclusivement des hommes blancs… à ma connaissance, le mouvement
« balance ton rappeur » n’a pas connu un succès égal.
D’autre part, la
France est principalement visée et je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle
avec la vague d’attentats islamistes qui était en grande partie pilotée depuis
Molenbeek. Clairement, cette épidémie de « scandales » sexuels, au
tempo bien chronométré, évoque une nième tentative de déstabilisation de la
société française par l’oligarchie bruxelloise, au service d’intérêts
anglo-saxons protestants, néo-puritains et racistes anti-blancs. Ce nouvel
ordre moral à géométrie variable vise à faire diversion sur l’austérité grecque que nos dirigeants
nous préparent. Serrez-vous la ceinture… de chasteté !
Beaucoup à droite en France, qui s’imaginent régler leurs comptes avec un Mai 68 imaginaire, devraient méditer sur ce proverbe russe : « Ne creuse pas un trou pour un autre dans lequel tu pourrais tomber toi-même. » Les soirées Bunga-Bunga de Berlusconi, en Italie et, plus anciennement, en France, l'Affaire Poulet-Dachary prouvent que la droite aussi a ses scandales roses... Rigolez pas mes camarades, la débandade, c'est pour demain.
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