Sommeil magnétique

 

Ill. : Un livre essentiel.
Source : L’hypnose par Léon Chertok, éditions Payot, collection Psychologie.

Quand le marquis de Puységur, en 1784, annonça à Mesmer sa découverte du somnambulisme provoqué et la possibilité d’entrer en communication verbale avec le sujet, Mesmer minimisa l’importance du phénomène. Il en connaissait déjà l’existence mais ne s’y était pas arrêté. Il voulait en effet demeurer dans le domaine de la physiologie et l’on peut voir en lui l’initiateur du courant physiologique dans l’explication de l’hypnose. La psychologie était pour Mesmer un produit de l’imagination et, comme tel, difficile à étudier… Mesmer valorisait la crise convulsive du patient alors que Puységur se serait « contenté » d’une communication verbale.

Il faut d’ailleurs souligner que le phénomène de la crise, sous des formes variables, et pas nécessairement convulsives, est connu de longue durée comme un tournant dans la maladie, ayant un effet salutaire. La méthode cathartique utilisée depuis Janet et Breuer est également liée à la notion de crise. On peut penser que l’idée d’un virement émotionnel massif et d’un passage douloureux sur la voie de la guérison, ce qui a pu être interprété par certains comme une expiation, a laissé des marques sur l’explication donnée par Freud du mécanisme curatif de la psychanalyse. Selon lui, la « suggestion hypnotique » ne représente qu’un effort léger, agit comme un procédé « cosmétique » alors que la suggestion psychanalytique serait un « procédé chirurgical. »

En 1959, Martin Orne était frappé par le fait que l’attitude des sujets hypnotisés a toujours été fonction, aux différentes époques, des idées admises sur l’hypnose. A titre d’exemple, il cite deux attitudes extrêmes : dans les séances de Mesmer, les patients, sans recevoir de suggestions verbales, entraient dans des crises convulsives. Au contraire, les sujets utilisant la méthode Coué, considérée par l’auteur comme une technique relevant de l’hypnose, ne manifestaient aucun signe extérieur de transe. Orne se demande alors si l’hypnose a un fond spécifique ou si elle est entièrement un produit socioculturel…

L’hypnose peut être considérée comme constituant, à bien des égards, une folie à deux, chacun des personnages impliqués dans la relation hypnotique jouant le rôle que l’autre attend de lui. Le sujet se conduit comme s’il ne pouvait pas résister aux suggestions de l’hypnotiseur et de dernier joue le rôle d’un personnage tout-puissant. Ainsi, non seulement le sujet éprouvera une hallucination suggérée, mais l’hypnotiseur agira comme si le sujet hallucinait réellement. Bien entendu, cet exemple ne constitue pas un exemple de folie à deux, dans le sens habituel. Car il manque la conviction délirante, non seulement chez l’hypnotiseur, mais aussi chez l’hypnotisé, dont le Moi garde toujours un certain contrôle de la réalité, pouvant à chaque instant rétablir la situation.

Prendre l’expression d’Orne à la lettre comblerait d’aise certains adversaires actuels de l’hypnose qui se plaisent à citer la boutade de Dupré se demandant lequel était le plus fou, l’hypnotiseur ou l’hypnotisé.

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