Source :
L’hypnose par Léon Chertok, éditions Payot, collection Psychologie.
Les expériences d’hypnose animale ont précédé celles
d’hypnose humaine. C’est en 1646 à Rome qu’eut lieu « l’Experimentum mirabile de imaginatione gallinae » du père
Jésuite Athanasius Kircher. Cette expérience célèbre est à l’origine des
diverses techniques utilisées par la suite, et son interprétation pose déjà les
problèmes théoriques essentiels dont on discute aujourd’hui. À ce titre, elle
mérite d’être décrite dans les grandes lignes.
Une poule dont on a attaché les pattes est couchée sur
une planche, sur le ventre ou de côté. Après une période d’agitation, elle
revient au calme et c’est alors qu’on trace à la craie, sur la planche, un
trait partant du bec. Si on lui détache ensuite les pattes, elle reste
immobile. Il faut pour la « réveiller » la frapper légèrement ou
faire du bruit. Suivant le P. Kircher, la poule se calme à partir du moment où,
devant l’inutilité de ses efforts pour se dégager, elle « se soumet à son
vainqueur. » Quand celui-ci la libère de ses attaches, elle demeure
néanmoins à la même place, car sa « vehemens animalis imaginatio »
interprète le trait comme un lien et elle reste frappée de stupeur.
Ainsi le P. Kircher en invoquant la peur, la
soumission, l’imagination de la poule, donne-t-il en quelque sorte à son
explication une orientation psychologique qui devrait être reprise par de
nombreux chercheurs et se révéler également féconde pour l’interprétation de
l’hypnose. Parmi les nombreuses expérimentateurs qui se sont intéressés à
l’hypnose animale, particulièrement à la fin du dix-neuvième siècle, il
convient de citer Czermak, Preyer, Danilevski, Mangold, Volgyesi, Svorad. Leurs
expériences et celles des autres auteurs ont porté sur les espèces les plus
diverses : mammifères, oiseaux, reptiles, batraciens, insectes,
araignées, crustacés, poissons, etc.
Les phénomènes rapportés par eux portent des
appellations variées, correspondant peut-être à des réalités différentes et
traduisant souvent, d’autre part, leur orientation doctrinale, physiologique,
ou psychologique. Quant à la technique, l’expérience de Kircher a souvent été
reproduite et simplifiée. En fin de compte, elle a consisté à simplement
immobiliser la poule dans une position insolite. Mais beaucoup d’autres
procédés ont été utilisés, qui reviennent tous à placer l’animal dans une
position ou situation inhabituelle : retournement brusque sur le dos ou
fixation par le regard, encapuchonnent ou balancement répété de haut en bas
pour les oiseaux.
L’aptitude à l'hypnose des animaux est très variable : si la poule est particulièrement docile, le chien et le chat passent pour des sujets très rétifs. Notons que dans le monde animal, des cas d’hypnose se produisent en dehors de toute expérimentation. Quelques invertébrés se mettent d’eux-mêmes dans un état cataleptique, comme l’araignée qu’une lumière vive fige dans sa toile.
D’autre part, certains animaux peuvent exercer sur d’autres
une action les menant à l’état d’hypnose. Dans une espèce d’araignée à grandes
dimensions, le solifuge de la Caspienne et du Turkestan, décrit par Heymons, la
femelle tente de dévorer le mâle pendant qu’il lui fait la cour. Pour réaliser
l’accouplement, le mâle hypnotise la femelle en lui plantant ses crochets dans
l’abdomen.
Celle-ci, l’acte accompli, attaque son partenaire, en général moins robuste, mais plus rapide. C’est ainsi qu’il réussit souvent à garder la vie sauve. Enfin, on connaît les manœuvres de fascination parfois mutuelles qui s’exercent entre les serpents, les couleuvres d’une part et de l’autre, les rats et les oiseaux.
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