À l’image
d’Ulysse, préférant la posture idiote qu’implique son stratagème à l’héroïsme
radical du plongeon, l’artiste moderne souvent demeure sur le pont où s’il
plonge c’est pour effectuer un plat, par manque de technique ou par absence de
fond. Joris-Karl Huysmans : « Se sentant un vrai talent que devaient
apprécier les artistes et honnir les bourgeois, il s’était jeté, tête baissée,
dans le marécage des lettres. Il n’y avait malheureusement pas un pied d’eau à
l’endroit où il avait plongé ; il se meurtrit si violemment sur les
pierres du fond qu’il se releva découragé avant que d’avoir tenté de gagner le
large. »
Burlesque
involontaire dans ce cas, subi jusqu’à la honte. Il s’agissait de gagner le
large, de disparaître derrière l’horizon, et l’on est contraint de se relever,
de se redéployer, de réintégrer la plus commune des visibilités. L’idiotie,
encore une fois ici non revendiquée, mais subie, coïncide avec l’impossibilité
de disparaître dans l’œuvre, de suivre les sirènes, d’accéder à l’absence par
transsubstantiation de l’être en nom, en l’espèce d’une signature. C’est une
chose que d’opter pour le plongeon, de se donner à sa propre disparition dans
l’océan de l’art, encore faut-il choisir les bons rivages.
L’image
huysmanienne annonce avec éloquence une phrase de Kazimir Malevitch, en
1914 : « Je me suis transfiguré en zéro des formes et me suis repêché
au fond du trou d’eau des détritus de l’Art académique. »
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