Ill. :
Félicien Rops, peintre wallon. (1833-1898)Source :
Le dix-neuvième siècle à travers les âges par Philippe Muray, éditions
Gallimard, collection Tel, relecture vingt ans après.
Comme l’avait admirablement deviné Pierre-Jean Jouve,
si Baudelaire n’est pas le seul au dix-neuvième siècle à utiliser le nom de
Satan à la place d’un ou de plusieurs autres, il est bien le seul en revanche à
la prendre comme pseudonyme du nom de Dieu. A écrire Satan pour dire Dieu.
Son Satan est un masque et ce masque « cache un
réel ; et ce réel est l’approche du Fond, avec l’énonciation magnifique et
coléreuse du Fond. Satan est un procédé de fouille. » En 1845, il écrit à
sa mère quelque chose qui se situe très loin des rêves nécromantiques de son
temps. Il dit : « En somme, je crois que ma vie a été damnée dès le
commencement et qu’elle l’est pour toujours. » C’est à sa mère, donc à son
« commencement » qu’il dresse ces mots ni tout a fait résignés, ni
définitivement rageurs… ou encore à l’union de sa mère et de son père à la nuit
qui a produit son « commencement. »
Quoi qu’il en soit, écrivant les Fleurs du Mal, il déclare ce recueil « essentiellement inutile et absolument innocent », le maléfique étant de toute évidence du côté des livres affairés à l’utile, c’est-à-dire à l’innocentement du Mal… il met ses Litanies de Satan dans le rythme liturgique du Miserere et les actions de grâces qu’il adresse au diable ne comporte pas un seul mot d’espérance qui est un exploit à signaler. Enfin, il écrit un essai sublime, De l’essence du rire, où cette morsure de réel qu’est le comique est définie comme « un des plus clairs signes sataniques de l’homme et un de ses nombreux pépins contenus dans la pomme symbolique. »
Il n’a pas du tout l’intention de faire sa carrière sur la recherche d’un statut vivable pour le diable, il n’y pense même pas. Il a autre chose à faire que ceux qui ont une religion et n’en savent pas le nom.
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