« Redeunt saturnia regna »

 

Source : Savonarole et Florence par Donald Weinstein, éditions Calmann-Lévy, collection Archives des sciences sociales.

Pris de sommeil, Giovanno Nesi avait rêve qu’il voyait un homme debout sur la lune, agitant une baguette et semant des dents de dragons, tandis que les rayons du soleil éclairaient sa tête et qu’un échanson lui enduisait la langue d’un nectar divin, si bien que les mots qu’il prononçait lui semblaient d’origine divine plus que mortelle.

Ces mots opéraient sur les membres de son auditoire divers effets, certains bons, d’autres mauvais, mais ceux qui étaient épargnés se trouvaient illuminés par la connaissance et la joie. Traversant une prairie florissante, coiffés du bonnet phrygien, ils entraient dans leur cité et lui redonnaient vie grâce à des lois divines et prenant pour modèle la Jérusalem céleste. Il vit ensuite une croix suspendue entre ciel et terre, et symbolisant la liberté, sur laquelle était inscrit ces mots : « Ego constitutus sum res super syon sanctum vestrum. »

Près d’un temple, était assis un prince qui prédisait la venue d’un héros porteur de deux tablettes, l’une en bronze, l’autre en or ; sur l’une serait gravé le destin de la cité, sur l’autre ses lois. Au même moment, un Samien aux cheveux blancs et aux cuisses d’or, énonçait les anciens préceptes de la Magna Graecia, tandis que l’imperium de la Cité croissait jusqu’à jouir enfin du triple bien dispensé par la poitrine de Jupiter.

Dans son rêve, Giovanni Nesi proclamait la gloire de sa patria. Choisis parmi tous les autres peuples, ses habitants étaient plus que de simples êtres humains. Les murs de la cité s’élevaient autour d’une communauté dans laquelle rivalisaient l’amour des séraphins, la vérité des chérubins et l’égalité des trônes. Pour édifier leur cité, les citoyens devaient copier les républiques fondées par les Grecs, les Egyptiens, identique à la vision du prophète de la Jérusalem céleste qui s’établirait là où le renouveau commencerait et où les hommes chanteraient les vers de Virgile : « Redeunt saturnia regna »

Des spectacles étranges lui apparurent encore : une oie se changea en cygne et annonça de grands changements ; en Asie, un ver sortit des os de ses parents et se transforma en phénix ; le phénix fit son nid auprès du lion dans la cité du soleil ; six aigles survirent dont l’un se purifia les yeux sur une pierre gagate et s’accoupla avec le phénix pour donner naissance à une nuée d’oisillons tandis que les autres s’éparpillaient par le monde pour en ramener les captifs au soleil. Cette vision troubla tant Nesi que, toujours en rêve, il invoqua l’aide divine ; après quoi, le grand empereur envoya un oiseau, le picus, l’oiseau sacré de Mars, habile à prendre les auspices et fils de Saturne.

Dans le Picus, Nesi reconnut Jean Pic de la Mirandole qui lui expliqua, dans le rêve, que l’orateur qu’il avait vu sur la lune était Jérôme Savonarole… Le cygne monté jusqu’à la cité du soleil avait pour mission de rechercher le neveu de Pic, Jean-François, afin qu’il se joigne à la bataille qui ne saurait tarder. Le ver transformé en phénix signifiait la renaissance de la religion, tandis que le nid dans la ville du soleil représentait Florence où naîtraient de nombreux fils à l’ombre de la croix du Seigneur.

Le soleil dans la Maison d’Ariès était le Christ qui serait le roi élu de cette cité étrusque qui avait Ariès pour horoscope et le Lion pour signe astrologique et le tournant de la Grande Année marquait la conversion de l’Eglise militante…

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