Source :
L’Apocalypse de Jean, traduite et commentée par Jean-Yves Leloup, éditions
Albin Michel, collection Espaces libres.
Faut-il résoudre une énigme par une autre énigme… De
même qu’on ne découvre l’interprétation d’un rêve par un autre rêve plus
profond. Avant de parler de l’Apocalypse de Jean, faut-il alors parler de
l’Apocalypse de Job ? Ces deux hommes, en effet, vivent un même
effondrement, l’un d’une façon personnelle, l’autre plus collective, l’un comme
l’autre endurent l’écroulement ou la disparition de ce qu’ils ont de plus cher,
de ce qui les édifiait physiquement, psychiquement et socialement et c’est au
cœur de cet effondrement qu’ils font l’expérience du Réel, de l’Autre
inassimilable, de la lumière qui les fondent.
L’Apocalypse de Job comme l’Apocalypse de Jean sont
l’effondrement de Dieu comme idole, comme idée, comme « objet » de
l’intellect ou de la dévotion. C’est l’effondrement de tous les noms qu’on peut
leur donner : le Juste, le Bon, le Bonheur, le Bien, l’Étant… Aucun ne
peut le nommer, même pas celui d’Être (l’Être de l’étant) ou d’Essence. Et si
l’amour et la miséricorde sont toujours des noms, il nous faut encore aller
au-delà. Peut-on le signifier autrement que par un silence, par quatre
consonnes imprononçables d’un Tétragramme, ou par un point d’interrogation ?
Le nommer innommable, n’est-ce pas encore le nommer ?
Ni la théologie négative, ni la théologie positive ne
résistent à une vraie apocalypse qui rend l’homme incapable de penser et donc
de nommer ce qui le déborde de toutes parts. « Je ne te connaissais que
par ouï-dire, maintenant mes yeux t’ont vu. Je retourne à mes cendres ou à ma
poussière. » (Job 42, 5-6) Ma
poussière, c’est-à-dire ma légèreté, mon non-être, car seuls ma vacuité ou mon
silence peuvent te comprendre.
Ainsi Jean est-il « le nez dans la poussière », cette fois, ce n’est pas celle du Thabor, mais celle de Patmos tandis que s’élabore en lui une « phénoménologie de l’Esprit. »
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