J’admets que seuls les malades aient des visions ;
mais cela prouve seulement que seuls les malades peuvent avoir des visions, non
qu’elles n’existent pas… Les visions sont, pour ainsi dire, des lambeaux, des
fragments d’autres mondes, leur principe. L’homme bien portant n’a pas besoin
d’elles parce que l’homme bien portant est avant tout une créature
terrestre ; il lui faut donc, pour la plénitude, pour l’ordre, vivre
uniquement de la vie ici-bas. Mais dès qu’il tombe malade, dès que l’ordre
terrestre, normal, de son organisme est troublé, la possibilité d’un autre
monde commence à se laisser entrevoir et plus il est malade, plus il a de
contacts avec cet autre monde. Et quand cet homme meurt tout à fait, il passe
directement dans l’autre monde.
Fédor
Dostoïevski : Crime et châtiment
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