Ill. Duncan Long.
Source : Edgar
Allan Poe par Peter Ackroyd, une vie coupée court, éditions Philippe Rey.
Poe aimait l’idée de déchiffrer les codes, il aimait
dire l’indicible. L’idée du secret était-elle liée aux mystères de la
disparition de son père et de la disgrâce supposée de sa mère ? Devant un
ami, il se vanta que « rien d’intelligible ne peut être écrit qui, avec du
temps ne puisse être déchiffré. » Le temps, en effet, prouva qu’il avait
raison. Poe affirmait que « l’ordre le plus élevé de l’intellect
imaginatif est toujours mathématique » et que le génie découle de la
méthode.
Cependant, l’analyse et le calcul étaient en partie
artificiels : Poe avoua que le pouvoir de ses études reposait dans leur
« apparence de méthode. » Il eut recours à une autre forme de calcul.
Il était toujours sournois, retors dans ses rapports à autrui. Dans le domaine
des relations humaines, c’était un grand calculateur qui se surveillait sans
cesse et qui surveillait les autres. Il usait de certains effets avec l’aisance
brillante d’un manipulateur-né. Dans une lettre, il avouait que son irritation
était « feinte » ; quelle faisait partie de son plan, de sa
démonstration. De même « l’indignation qui m’enflammait. » Mais il y
a quelque chose de quasiment enfantin dans ce trait de caractère. Il souffrait
le martyre après avoir trop bu, en partie parce qu’il détestait la sensation de
perdre toute faculté d’élaboration.
La plupart de ses récits les plus réussis sont des
« contes de ratiocination. » Le terme « détective » ne fut
inventé qu’en 1843. Dupin est peut-être le premier d’entre eux, le précurseur
des champions cérébraux comme Sherlock Holmes ou le père Brown de Chesterton.
Conan Doyle voyait en Poe « le père du roman policier
moderne » et ajoutait : « il a si bien délimité son domaine
que je ne vois pas comment ses disciples pourraient s’annexer un territoire qui
leur soit propre. » Dupin est célibataire, son acolyte enregistre les
détails de ses enquêtes, ses contacts avec la police sont épisodiques, elle ne
sollicite son aide que pour des crimes qu’elle n’arrive pas à résoudre.
Double assassinat
dans la rue Morgue traite de deux meurtres effroyables,
commis sur une mère et sa fille. Dupin, par la force d’une analyse
impersonnelle et objective, fait figure de Newton de la criminologie. Par un
processus d’élimination, il en vient à la conclusion que l’auteur du crime ne
peut être humain. Il tend ensuite un piège à la créature qui, comme par
dérision des hauts raisonnements de Dupin, se révèle un singe. A propos de ce
conte, Poe prétendit « avoir forgé une clef nouvelle. »
Une autre nouvelle de cette période, Éléonora, se base
sur des faits biographiques. Le narrateur, Pyros, épouse sa cousine âgée de
quinze ans : « Nous vivions seuls, nous ne connaissions rien du monde
à l’extérieur de notre vallée : ma cousine, sa mère et moi. » C’est
une description de la vie même d’Edgar Poe à l’époque. Toutefois, dans son
imagination, les événements prennent une tournure tragique et macabre. La jeune
épouse meurt de phtisie ; avant sa mort, elle arrache à Pyros la promesse
qu’il n’aimera jamais une autre qu’elle. Le reste de l’histoire importe peu,
notamment sa conclusion aussi heureuse que maladroite.
Mais il existe un autre parallèle encore plus évident. Quelques mois après qu’il eut écrit ce récit, Virginia commença à ressentir les premières atteintes de la tuberculose.
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