Source
: H.P.L., contre la vie, contre le monde, par Michel Houellebecq, éditions du
Rocher.
On a souvent sous-estimé l’importance de la haine
raciale dans la création de Lovecraft… Il faut également préciser que le rôle
de la victime est généralement tenu dans ses nouvelles par un professeur
d’université anglo-saxon cultivé, réservé et bien éduqué. Plutôt un type dans
son genre, en fait.
Quant aux tortionnaires, au servants des cultes
innommables, ce sont presque toujours des métis, des mulâtres, des sangs-mêlés
« de la plus basse espèce. » Dans l’univers de Lovecraft, la cruauté
n’est pas un raffinement de l’intellect, mais une pulsion bestiale, qui
s’associe avec la stupidité la plus sombre. Pour ce qui est des individus
courtois, raffinés, d’une grande délicatesse de manières, ils fourniront des
victimes idéales. On le voit, la passion centrale qui anime son œuvre est de
l’ordre du masochisme, beaucoup plus que du sadisme, ce qui ne fait d’ailleurs
que souligner sa dangereuse profondeur…
Dans l’ensemble, la mythologie de Lovecraft est très
originale ; mais elle se présente parfois comme une effroyable inversion
de la thématique chrétienne. C’est particulièrement sensible dans L’Abomination
de Dunwich, où une paysanne illettrée, qui ne connaît pas d’homme, donne
naissance à une créature monstrueuse, dotée de pouvoirs surhumains. Cette
incarnation inversée se termine par une répugnante Parodie de la Passion où la
créature sacrifiée au sommet d’une montagne dominant Dunwich lance un appel
désespéré : « Père, père… Yog-Sothoth » fidèle écho au « Éloi, Éloi, lamma sabachtani »
Lovecraft retrouve ici une source fantastique très ancienne : le Mal issu
d’une union charnelle contre nature. Cette idée s’intègre parfaitement à son
racisme obsessionnel : pour lui, comme pour tous les racistes, l’horreur
absolue, plus encore que les autres races, c’est le métissage.
Utilisant à la fois ses connaissances en génétique et sa familiarité avec les textes sacrés, il construit une synthèse explosive, d’un pouvoir d’abjection inouï. Au Christ nouvel Adam venu régénéré l’humanité, Lovecraft oppose le nègre venu abîmer l’humanité dans la bestialité…
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