Pris
sur Boulevard Voltaire. Notre vie ressemble désormais à une addition d’interdits
par François Bousquet, tous droits réservés — spéciale dédicace à mon ami
Demetrio.
La victimocratie est ce nouveau régime dans lequel le
pouvoir est détenu par les victimes, réelles ou présumées. Cela leur confère un
capital lacrymal, très lucratif, et les place au centre du jeu social. Or, qui
dit victime dit coupable. Celui-ci est tout trouvé, c’est le fléau de la
« suprématie blanche » : tout individu porteur de ce que les
Américains appellent le « white privilege », le privilège blanc
censé conférer un ensemble d’avantages invisibles par rapport à ce que vivent
au quotidien les non-Blancs (sic).
L’objectif, c’est d’abolir ledit privilège dans une
nuit du 4 août mondiale depuis les États-Unis, où sévit un néo-maccarthysme
hystérique qui n’est pas sans rappeler les délires ubuesques de la révolution
culturelle chinoise. Il est l’œuvre de minorités « racisées » et
« genrées » ; et s’appelle lutte contre le racisme, le sexisme,
l’homophobie et tout ce qui est susceptible d’une suffixation phobique, des
handicapés aux islamistes, selon la logique d’emballement victimaire qui
commande notre monde.
Ainsi, tout un chacun, à la condition qu’il soit pourvu d’un stigmate social, est-il invité à s’installer dans une posture victimaire parce que c’est symboliquement la position dominante la plus confortable et la plus rentable. En somme, c’est : Maman, quand je serai grand, je serai une victime ! Ce néo-maccarthysme diffuse partout une culture gémissante de la vindicte publique et de la délation. Au lieu de parler de culture du viol, il serait du reste bien plus juste de parler de culture de la délation. Sur les réseaux sociaux, on est sommé de « signaler un contenu inapproprié » (comprenez : un discours de haine).
Le CSA croule sous les signalements
(90.000 en 2017). Facebook encourage la dénonciation, Google déréférence à
tout-va et Twitter suspend au même rythme. Avec les réseaux sociaux, le moindre
minuscule « dérapage » se transforme tout de suite en affaire d’État.
Ces réseaux fonctionnent comme l’effet papillon. Un battement d’ailes à
Hollywood provoque une tornade dans tous les médias occidentaux. Et un
éternuement de Caroline De Haas, un tremblement de terre à Paris, Londres
et Berlin. Seuls les Russes sont épargnés. Pourvu qu’ils tiennent !
Notre
vie ressemble désormais à une addition d’interdits, peut-être même à une addiction
à l’interdit. Une nouvelle génération d’inquisiteurs est en train de s’imposer.
Ce ne sont plus les austères commissaires politiques à l’ancienne, comme dans
feu l’Union soviétique, mais des Robespierrettes féministes, des Torquemada
transgenres, des procureurs revêtus de robe arc-en-ciel, des Tontons macoutes
antiracistes, des Toussaint Louverture geeks. Un mélange d’Ubu roi, de Harry
Potter et de Bisounours… qui finissent par ressembler à des gremlins, ces
peluches qui se transforment en petits monstres.
Des noms ? Osez le féminisme !, les
collectifs LGBT, la LDH, SOS Racisme, la LICRA, le MRAP, le CRAN, le Parti des
indigènes de la République (PIR), le Collectif contre l’islamophobie en France
(CCIF). On dénombre même une Brigade anti-négrophobie. Ces associations font
régner un climat de terreur, ou plutôt de tiédeur, dans les salles de
rédaction, mises à l’amende dès qu’elles franchissent la ligne jaune. Ce n’est
plus tant le législateur – même s’il est déchaîné depuis un demi-siècle (les
lois liberticides Pleven, Gayssot, Taubira, Lellouche, Perben II, etc., sont là
pour en témoigner) – qui tient aujourd’hui les ciseaux d’Anastasie (du nom de
la censure au XIXe siècle) que ces associations. Au fond, la puissance
publique sous-traite la censure à des prestataires extérieurs : les
associations antiracistes et les ligues de vertu féministes.
Y aurait-il quelque chose de pourri dans le royaume à
la bannière étoilée ? Telle est la question. L’économie psychique
nord-américaine semble fonctionner sur le transfert de ses pathologies au monde
entier, comme si elle se soignait en exportant ses phobies, sa paranoïa, sa
fièvre antiseptique. L’Amérique semble hantée par l’image d’agents pathogènes
qui menacent de la terrasser. L’histoire est ancienne, mais les rôles sont
intervertis.
Les
premiers puritains (« puritain », du verbe « to purify »,
« se purifier »), qui traquaient le démon sous les espèces de la
corruption féminine, ont trouvé de dignes héritières dans les mères la vertu
féministes. À elles de faire le procès de la domination masculine. Hier, le
sujet infectieux, c’était la femme ; aujourd’hui, c’est l’homme. Naguère,
c’était le Noir ; désormais, c’est le Blanc. Dans tous les cas, le mal est
endémique et il faut le purger. Les Américains ne savent plus quoi inventer.
Là-bas, la dernière mode est à la dénonciation des « crimes de haine
raciste ». Problème : ce sont, dans la plupart des cas, de faux
crimes racistes, totalement instrumentalisés par la presse.
En un mot, des affaires bidon, exactement comme l’affaire Théo en France [et combien en Belgium, pays des associations toutes-puissantes ?] Rien qu’au cours des six derniers mois, notre correspondant américain a recensé une demi-douzaine de cas. Ils sont construits toujours selon le même canevas – des minorités se disent victimes d’insultes racistes ou sexistes – et sont suivis du même emballement médiatique. Or, il apparaît rapidement que ce sont généralement des mystifications montées de toutes pièces par des individus issus des minorités dites « visibles » et complaisamment relayées par les médias centraux. Qui ne donnent jamais la même publicité à leurs affabulations quand il s’agit de les démentir. Pour pasticher La Fontaine, les « fake news » vous rendront blanc ou noir, selon que vous serez puissant ou misérable.
Commentaires
Enregistrer un commentaire