Source :
Le Mal de Naples (2) : histoire de la syphilis par Claude Quétel, éditions
Seghers, collection Médecine et Histoire.
Jérôme Fracastor (Giorlamo Fracastoro) est né à Vérone
en 1483. Condisciple de Copernic à l’université de Padoue où il étudie en même
temps la philosophie et la médecine, il est le médecin des pères du concile de
Trente. Auteur de nombreux ouvrages, il meurt célèbre et estimé, en 1553, dans
sa maison de campagne, près de Vérone.
Un ouvrage surtout l’a rendu célèbre :
« Syphilis » qui paraît en 1530 et va connaître un immense succès
avec une centaine d’éditions différentes au seizième siècle. Ce long poème en
latin, aux indéniables mérites littéraires et que d’aucuns ont comparé aux
Géorgiques raconte l’histoire du berger Syphilius qui a offensé le soleil en
renversant ses autels et en élevant au roi Alchithoüs dont il garde les troupeaux.
Pour le punir, le Dieu Soleil lui envoie le mal
vénérien auquel les habitants de la campagne environnante donneront le nom de
syphilis, en souvenir de celui qui fut le premier atteint. Le nom de syphilis
est né, mais il sera pratiquement délaissé jusqu’à la fin du dix-huitième
siècle, les médecins comme le peuple utilisant plutôt le mot
« vérole. »
L’imagination et l’élégance du poète ne nuisent en rien
à la précision du médecin. Quand aux idées exprimées dans Syphilis, elles ne
contiennent rien de très nouveau. Fracastor rapporte la thèse d’une origine
américaine de la maladie, mais sans y adhérer puisqu’il l’attribue à une
conjonction funeste des astres. La clinique qu’il en donne est celle de ses
devanciers, tout comme la thérapeutique où cohabitent le mercure et le gaïac.
En revanche, le traité des maladies contagieuses qu’il
publie quinze ans plus tard contient des idées plus neuves. Il signale, nous
l’avons vu, les modifications de la maladie, mais surtout, il a l’intuition
géniale de l’agent de la contagion, en imaginant que la maladie est provoquée
par la multiplication et la propagation dans l’organisme de « petites
choses vivantes et invisibles », « particulas vero minimas et
insensibiles. »
En 1840 seulement, Auguste Marseille Barthélemy donne
la traduction la plus élégante de son œuvre, après avoir lui-même composé un
poème en deux chants intitulé Syphilis. Voici un aperçu de sa traduction :
Chose étrange, ce mal qui introduit dans le corps / parfois avec lenteur se trahit au-dehors.
Et souvent, sans qu’il donne un signe manifeste / la
Lune, quatre fois, forme son plein céleste.
Il se cache, il hésite, il couve sourdement / et semble
en notre sein prendre son aliment.
Cependant, le malade, en proie à des atteintes / sous
un poids inconnu sent ses forces éteintes.
Une torpeur de plomb s’appesantit sur lui / aux travaux
journaliers, il vaque avec ennui.
Les symptômes fâcheux ne tardent pas d’éclore / l’œil
perd de son éclat, le front se décolore.
La hideuse carie, étendant ses progrès / porte sa lime
sourde aux organes secrets.
Ronge les lieux voisins et s’étend jusqu’aux aines / le mal n’est plus douteux, ses marques sont certaines.
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