Tractatus de pestilentiis

Source : Le Mal de Naples (1) : histoire de la syphilis par Claude Quétel, éditions Seghers, collection Médecine et Histoire.

C’est à Sébastien Brant, célèbre depuis la publication en 1494 de La Nef des fous, « Das Narrenschiff », qu’on doit l’une des premières images de la vérole. Elle illustre son poème, « De pestilentiali scorra sive mala de Franzos, Eulogium », publié à la fin de septembre 1496. A une époque où si peu savent lire, ce fin lettré a compris la force de l’image et déjà le succès du Narrenschiff devait beaucoup à la longue série de gravures sur bois qu’il avait fait exécuter par Dürer. Dans le De pestilientiali… une unique gravure sur bois nous montre la Vierge, sur un trône de nuages, qui tient sur ses genoux l’Enfant Jésus. De sa main droite, elle s’apprête à poser la couronne impériale sur la tête de Maximilien de Habsbourg, entouré de ses hommes d’armes. De l’autre côté, un groupe implorant de vérolés couverts de pustules reçoit de la main gauche de l’Enfant un faisceau de rayons dont on ne saurait dire au juste si c’est punition ou guérison. Et pourquoi pas les deux, chacune à son tour ? […]

En attendant l’intercession de la Vierge et des Saints, les premières images médicales apparaissent également très tôt. Ainsi, dans un traité médical sur le mal français qui paraît à Vienne en 1498, une gravure sur bois nous montre un couple de vérolés couverts de pustules. Un premier médecin mire les urines de la femme tandis que, de l’autre côté du lit, un second applique avec une spatule un onguent sur les jambes du mari. Moins de dix ans après l’apparition du mal de Naples à la bataille de Fornoue, l’Europe tout entière est donc atteinte par l’épidémie. Déjà, en 1496, Brant écrivait dans son poème que ce mal qui avait envahi l’Italie, puis s’était insinué au-delà des Alpes, avait déjà gagné la Germanie, l’Istrie, la Thrace, et le pays des Sarmates. Sans essayer de démêler si à cette date la vérole était déjà sur le Don, on peut l’apercevoir en Angleterre, dès 1497, probablement exportée de Bordeaux à Bristol, où on l’appelle un moment, le mal de Bristol.

Toujours en 1497, la vérole apparaît en Ecosse sous le nom de « grandgor », ce qui indique assez bien son origine française. L’Europe du Nord et l’Europe centrale sont atteintes un peu plus tard entre 1499 et 1502. Chaque pays nouvellement atteint ne manque pas de donner au nouveau mal le nom du voisin suspecté, le plus souvent, avec raison, d’avoir été le contaminateur. C’est mesurer d’emblée la variété des appellations : les Moscovites parlent du mal polonais, les Polonais du mal des Allemands, les Allemands du mal français, ce dernier nom recueillant en outre les suffrages des Anglais (french pox) et des Italiens. Flamands et Hollandais disent « mal espagnol » comme les Maghrébins. Les Portugais disent « mal castillan » tandis que Japonais et populations des Indes orientales diront « mal portugais. » Seuls les Espagnols ne disent rien… Bizarre.

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